Le Théâtre de l'Entr'Acte, une troupe de théâtre nantaise, développe un concept intéressant, Le Livre réel : inviter une personne à se glisser dans la peau d'un auteur (parfois expert du thème choisi, sinon une personne lambda, rarement un comédien et jamais un écrivain) le temps d'une rencontre avec un public autour d'un thème précis, qui donnera naissance, au final, à un livre. A l'issue de cette rencontre, les personnes ayant assistées à la conférence sont donc invitées à écrire un chapitre et toutes les parties de l'histoire sont collectées et lissées par un écrivain. Tout ce processus peut également donner vie à une pièce de théâtre, jouée par le Théâtre de l'Entr'Acte. De quoi faire durer le plaisir de la rencontre et donner de nouvelles lettres de noblesse aux rencontres avec le grand public avec l'écriture participative.
En 2020, c'est le thème des soins palliatifs qui a été abordé. Pour cela, la Métropole de Nantes a fait appel au réseau de soins palliatifs Compas et c'est son directeur, Rodolphe Mocquet, qui s'est prêté à l'exercice. Le Théâtre de l'Entr'Acte en a fait Romain Duvoye, le "faux auteur" d'Ars Vivendi.
La première moitié du livre est consacrée à la scénarisation de la rencontre entre Romain Duvoye, alias Rodolphe Mocquet, et le public nantais (professionnels des CLICS et des MIAI, des personnels du CCAS et quelques professionnels de l'accompagnement en fin de vie, ainsi que des personnes de la société civile). La seconde partie est une nouvelle inédite "Mon père, cet espion" qui relate, avec humour et émotion, la maladie incurable d'un père de famille, jusqu'à la fin de sa vie.
Outre l'originalité du concept, les soins palliatifs sont abordés de manière simple et décomplexée : ce n'est pas un expert qui parle mais un auteur, une personne touchée par la fin de vie. Le lecteur se rapproche inévitablement de Romain Duvoye et se nourrit naturellement de son expérience. L'approche du thème est novatrice, le livre, bien écrit, se lit facilement et apporte de nombreux éléments de compréhension des soins palliatifs. La nouvelle "Mon père, cet espion" permet d'aborder le thème de la fin de vie avec des enfants. Enfin, la pièce de théâtre sera programmée dès que les théâtres auront la permission d'ouvrir leurs portes, une belle occasion de découvrir le texte dans toute son animation. La multiplicité des lectures et des supports fait d'Ars Vivendi un véritable coup de cœur de VigiPallia.
Nous avons rencontré Anne Groisard, membre du Théâtre de l'Entr'Acte pour mieux connaître Ars Vivendi. Anne, merci pour cet entretien. D'abord quelques questions pour que les internautes vous connaissent mieux.
A quel livre devez-vous votre premier souvenir de littérature ?
Le pays où l’on arrive jamais d’André Dhôtel. Ce n’est pas forcément le premier souvenir, mais le plus magique sûrement.

Lorsque vous étiez petite, étiez-vous une grande lectrice ?
Je dévorais les livres. A partir de 13 ans, je travaillais bénévolement dans une petite bibliothèque le dimanche matin ; j’en repartais les bras chargés de BD et de romans pour la semaine.
Quel est votre auteur préféré ?
Emile Zola

Quel livre aimeriez-vous faire découvrir au monde entier ?
La beauté des jours de Claudie Gallay.

Quel livre liriez-vous en boucle à votre pire ennemi pour le torturer ?
Aucun. Ce serait vraiment méchant et en plus je me torturerais en même temps… drôle d’idée !
Quel livre pourriez-vous lire tous les jours ?
Aucun, il y a trop de livres à découvrir pour relire toujours le même.
Quel livre attendez-vous avec le plus d’impatience ?
Celui qui me fera de nouveau vibrer profondément.
Merci pour ces belles réponses, si on parlait d'Ars Vivendi... Vous offrez un extrait du livre aux internautes sur votre site.
Quelle est votre démarche pour créer un livre comme Ars Vivendi ?
Dans notre compagnie de théâtre, nous aimons montrer que la culture est accessible à tous, que nous avons tous une part créative en nous. Les performances littéraires collectives comme Récit d’impros nous permettent de montrer au public la naissance d’un livre et de le faire participer à part entière.
Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir le thème de la fin de vie au départ ?
Au départ, c’est une commande de la Métropole de Nantes qui a associé le COMPAS. Le thème ne nous était pas familier, mais l’objet de nos performances littéraires est de nous adapter à tous les sujets et d’amener le public en douceur vers un échange constructif et toujours créatif. En amont, Rodolphe Mocquet (directeur de COMPAS) nous a préparé au sujet ; ce fut une discussion très instructive sur des questions que nous ne maîtrisions pas et qui nous a amené à réfléchir avec lui aux questions fondamentales de la fin de vie.
Qui est la première personne à qui vous avez fait lire Ars Vivendi une fois la collaboration terminée ?
Rodolphe Mocquet lui-même, le faux auteur, afin de nous assurer que nous avions bien restitué la parole du public et la sienne dans la première partie du livre, puis pour connaître son ressenti sur la nouvelle en seconde partie.
Qu’est-ce que cela vous a apporté de collaborer à ce livre ?
Indéniablement, une réflexion plus profonde sur la fin de la vie et les soins palliatifs. Comme beaucoup de personnes, la mort n’est pas un sujet que l’on aborde facilement ; quant aux soins palliatifs, cela fait toujours peur… Ce fut un moment délicat pour moi car au moment de la rencontre avec Rodolphe Mocquet, mon père venait de disparaître. Il amenait des questions sur l’accompagnement en fin de vie que je venais de traverser avec ma famille et le personnel hospitalier. Je retraversais ces étapes et me disais combien il était important d’être accompagnée et de redonner la place de l’étape de la mort dans la vie.
Qu’espérez-vous apporter au public ?
Nous espérons qu’avec ce livre le public s’empare d’un sujet souvent "tabou" et accepte de parler de la fin de vie et des soins palliatifs plus aisément. Lire cet ouvrage est déjà un premier pas…
Enfin, donnez-nous trois raisons de lire Ars Vivendi ?
- Malgré le sujet, il n’y a pas de mélo-dramatisme dans ce livre ;
- Que l’on ait des connaissances ou pas sur le sujet, c’est accessible à tout type de public ;
- Malgré un thème délicat, tous les points de vue sont exprimés, débattus et imaginés et ouvrent des pistes de réflexions.