Recherche Une Neztoile en soins palliatifs : un autre regard sur la fin de vieLe Centre National De Ressources Soin Palliatif (CNDR SP) vous propose de découvrir l'univers de Sandra Meunier, art-thérapeute clown, à travers son spectacle Merci d'être venue, histoire d'hôpital pour de vraiauquel des membres de l'équipe ont eu le plaisir d'assister le 30 novembre dernier au théâtre des Hauts-de-Seine à Puteaux.
Son one-woman-clown-show met en scène des moments vécus dans sa pratique d'art-thérapeute, profession qu'elle exerce depuis dix ans en cancérologie, soins palliatifs, gériatrie et neurologie.
![]() Photo : Karim Arsad - http://karimarsad.fr/
Dans l'entretien qu'elle a accordé au CNDR SP, elle évoque également sa démarche, son métier et son association Clown sympathique-empathique.
Une autre manière de prendre soin de la personne gravement malade ou en fin de vie...
Comment vous est venue l'idée de créer Merci d'être venue, histoire d'hôpital pour de vrai ? Pourquoi ce titre ?
Beaucoup de personnes ont peur de la maladie et de l'hospitalisation. Qu'on puisse encore vivre des moments de sérénité, de joie interne quand on est malade ou en fin de vie paraît inimaginable. Et pourtant... Quand le corps décline, il reste encore des zones à explorer. L'être est plus grand que la maladie. Il y a des possibilités de reprendre contact avec sa joie, ce qui est grand et beau. C'est là tout mon métier et le sens de ce spectacle. Quand au titre Merci d'être venue, histoire d'hôpital pour de vrai, il est venu tout naturellement. C'est une phrase de gratitude que j'ai souvent entendue de la part des patients, à la fin de mon passage dans leur chambre. Savoir l'accueillir est important car c'est permettre aux patients de donner à leur tour. C'est un moment intense d'échanges, yeux dans les yeux, moment qu'il m'a fallu accepter. Au début de ma pratique, je répondais "mais c'est moi qui te remercie". Maintenant, je laisse cette phrase au patient et je lui envoie un grand sourire, main qui bat sur mon cœur. Il faut aussi savoir recevoir...
Parlez-nous de votre personnage Anabelle, de son univers ? D'où vient le mot "neztoile" ? Qui sont les neztoiles ?
Dans mon spectacle, c'est un clown-ange arrivant sur la terre. C'est avant même l'origine d'Anabelle des bois.
Quand au mot "neztoile", il est arrivé dans une grande évidence.
Il est associé au monde naïf de l'enfant émerveillé. Souvent, il ne dit pas étoile mais neztoile. C'est une façon de rappeler que la source de ce métier est associé à l'innocence et à la fantaisie. Le clown est l'archétype de cet enfant devenu adulte, mais toujours naïf.
Le mot "neztoile" fait référence aux étoiles. Je crois que c'est le sens de notre métier : éclairer dans l'obscurité, voir la vie de plus haut et être un point libre de rire, de joie.
Une Neztoile est une fonction à l'hôpital. C'est un métier de relation d'aide exercé en personnage léger, beau et profond qui permet d'accélérer l'ouverture dans un laps de temps assez court.
La "Neztoile" qui vient du clown, est passée dans les mondes lumineux. Elle vient des mondes enchantés pour aller apaiser la souffrance.
A qui s'adresse votre spectacle ? Quels messages souhaitez-vous faire passer par l'intermédiaire de votre démarche ?
Il est une rencontre de ces êtres qui font la grande traversée.
Les messages sont les suivants : comment apaiser la souffrance ? Y-a-t-il encore des moments de joie quand on traverse la maladie ou qu'on arrive en fin de vie ? Peut-on changer de regard ? Que se passe-t-il quand, traversé par la maladie, on perd notre fonction sociale, notre identité et nos habitudes ?
Il reste l'être.
Comment ressentez-vous l'accueil du grand public, d'une part, et des professionnels, d'autre part ?
Je pense que ceci montre l'intérêt croissant des gens pour l'accompagnement dans les hôpitaux et leur besoin vital de se connecter à la joie dans les moments difficiles.
Quant aux professionnels, ils sont très heureux qu'on parle de leur métier, de leurs difficultés et des solutions trouvées face à la souffrance psychique.
Mon spectacle montre une vraie réalité de terrain, avec ma sensibilité. C'est souvent une occasion pour les professionnels de laisser aller leurs émotions qu'ils contrôlent à l'hôpital, pour assurer leur métier au quotidien.
La plus belle récompense est quand un soignant ému, me remercie d'avoir si bien montré la vie de l'hôpital, la souffrance des patients et d'avoir réussi à alléger tout ça ! De le sentir heureux et avec de nouvelles perspectives d'accompagnement, là est ma joie.
Photo : Karim Arsad - http://karimarsad.fr/
A quelle occasion vous produisez-vous et comment peut-on assister à vos représentations ?
Par ailleurs, j'interviens aussi dans des festivals liés à l'écologie, à la spiritualité au sens large, aux nouvelles pratiques d'accompagnement. J'interviens également dans les associations à caractère philosophique, etc.
Pour assister à mes représentations, rien de plus simple. Faites moi venir dans votre ville ! (Sourire)
Vous pouvez aussi acheter mon spectacle en me contactant ou en assistant à des représentations dont les dates et lieux figurent sur le site Internet de l'association.
L'association reconnue d'intérêt général, est en recherche active de mécénat pour financer les "Neztoiles" présentes et à venir. Ce spectacle est un moyen de diffusion et de sensibilisation de la pratique afin de trouver des ressources financières pour continuer à travailler.
Comment s'appelle votre profession ? Art-thérapeute ? Art-soignant ? Clown-thérapeute ? Art-thérapeute clown ?
Faut-il une formation spécifique pour être art-thérapeute clown ?
Pour être une Neztoile, il faut déjà avoir un parcours conséquent de connaissance de soi. C'est la base du métier. Les Neztoiles ont également développé des pratiques de relations d'aide et ont travaillé le clown.
Ensuite, je propose des séries de stage pour transmettre toute la spécificité de cet accompagnement dans la joie.
Il faut globalement deux ans pour devenir une "neztoile", c'est un processus qui a besoin de temps.
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Comment fait-on appel à vous pour intervenir auprès de la personne malade ?
Avant d'intervenir, elle assiste à la transmission des soignants. Cet échange est précieux : ensemble, ils vont évaluer la pertinence du passage de l'art-thérapeute clown.
La concertation avec le soignant permet d'optimiser nos interventions car elle permet d'améliorer la condition de vie du patient. C'est une pratique d'art-soignant à part entière.
Qu'apportent selon vous les Neztoiles aux patients gravement malades ou en soins palliatifs ?
Nous pouvons réveiller leur joie, les relier à leur essentiel, les connecter à leur ressource pour affronter leur maladie, leur redonner le moral (essentiel en cancérologie), les emmener en voyage imaginaire pour les apaiser (comme une pratique d'hypnose), les amener à sentir ce qu'il y a de plus grand en eux (par l'écoute musicale, le rappel de la montagne, de la mer...) et leur rappeler ce qu'il y a de meilleur en eux et dans leur vie.
Nous pensons parfois leur proposer de petites choses mais c'est la manière dont ils vont les vivre qui en font de grandes choses.
Tout ceci reste bien mystérieux pour celui qui accompagne.
Par ailleurs, en soins palliatifs, certains médecins nous disent combien les patients partent plus apaisés. D'une manière générale, les médecins voient dans notre travail un apport qui agit sur le moral des patients dont on connaît l'importance pour l'efficacité des traitements, notamment en cancérologie.
Comment abordez-vous les patients lors de votre 1ère visite ? Comment se passe concrètement votre intervention auprès d'un patient ?
Et puis, sans lâcher cette première prise de contact, la Neztoile va improviser autour de ce qu'elle ressent du patient. Tout peut arriver. Tout peut s'ouvrir.
En Neztoile, nous allons chercher à alléger la situation tout en allant concrètement dans ce qui se passe, dans le présent du patient.
Le rire peut alors survenir, comme un cadeau inattendu. La porte du cœur est ouverte. Voilà ce que cela nous indique...
Et nous continuons notre rencontre en face à face, avec le tutoiement du personnage devenu l'ami intime qui propose ses pratiques d'apaisement, à sa façon...
La musique est, nous semble-t-il, présente dans vos interventions ? Qu'apporte-t-elle ?
L'écoute musicale permet de ne plus entendre les bruits de l'hôpital et de revenir à l'essentiel, dans une joie très intime.
Je fais aussi écouter par exemple le bruit de la mer avec un tambour spécial. Y-a-t-il une joie plus grande que d'entendre une dernière fois la mer quand on l'a tant aimée ?
La musique défie l'espace et le temps. Les murs de l'hôpital cèdent. Nous basculons dans d'autres univers. Parfois les patients pleurent. Mais c'est de joie, d'émotion...
Pouvez-vous nous raconter un souvenir qui vous a particulièrement émue ou touchée dans votre pratique ?
Et sur cette lancée d'ouverture, la petite dame triste me dit tout ce qu'elle aime faire. Regarder les jolies femmes, car elle aime la beauté. Les jolis hommes aussi ! Et ce qu'il y a de beau en général.
Et je me retourne vers la petite assistance qui sourit à moitié :
"- Ah la vie ! On court tous, tout le temps. Mais ça ne changerait pas les choses de regarder ce qu'on aime ? Juste de prendre le temps de regarder les fleurs...", envisage Anabelle lutine.
Elle me dit être profondément triste quand elle est chez elle et me dit que c'est pour ça qu'elle a souri en me voyant. C'est son ouverture.
Son cœur est grand ouvert. Sa fille acquiesce.
Et si, la liberté était là ?
Anabelle part en dansant ses mots pour toute l'assemblée décidément souriante.
"- Aimer, regarder pousser les fleurs, prendre le temps... Aimer, regarder les fleurs, prendre ce temps...".
La petite mémé dépressive rit et me salue de la main.
Elle a la ressource essentielle mais le savait-elle ?
C'est peut-être la fonction essentielle de la Neztoile d'hôpital. Lui rappeler l'air de rien son Essentiel, quand tout semble lui échapper des doigts, quand la vie devient un drame apparent.
Et si nous pouvions changer de regard sur ce que nous pouvons faire et sur qui nous sommes ?
![]() Photo : Karim Arsad - http://karimarsad.fr/ Propos recueillis par Sophie Ferron, décembre 2012 Nom et coordonnées de l'association Association CLOWN SYMPATHIQUE-EMPATHIQUE 33 rue B. Malon 92 800 Puteaux
Mail : clownsympa@free.fr Tél : 06 63 76 73 10
Site Internet : http://www.clownsympa.com/
Pour en savoir plus sur les clown en soins palliatifs
Consulter l'intégralité du dossier Les clowns auprès de personnes gravement malades ou en fin de vie
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