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A l'occasion du Mondial du tatouage qui se tiendra du 15 au 17 février prochain, à la grande Halle de la Villette, VigiPallia vous propose de redécouvrir le tatouage commémoratif, un hommage corporel à l'être cher décédé. |
Un peu d'histoire...
Le mot « tatouage » provient du polynésien « tatau » qui signifie « marquer » ou « dessiner ». Il renvoie à l'action de marquer, d'orner une partie du corps d'inscriptions ou de dessins indélébiles. Le mot « tatouage » ne sera employé pour la première fois dans la langue française qu'en 1778 par le traducteur du deuxième voyage de James Cook (1728-1779). Plus tard, Darwin (1809-1882) fit remarquer dans ses ouvrages qu'il n'existe aucun peuple sur cette planète qui ne connaissance pas cette pratique. C'est à cette même période que le terme « tatouage » apparaît dans le dictionnaire de Littré en 1858.
Le tatouage n'est donc pas un art nouveau. En effet, le premier homme tatoué est Ötzi... homme des glaces datant de la période néolithique (3 500 ans avant JC). D'après les archéologues qui ont étudié Ötzi, certains de ces tatouages auraient pu avoir un but thérapeutique : lutter contre l'arthrose en suivant des points d'acupuncture. Plus tard, une momie égyptienne, datant de 2 200 ans avant JC, a été retrouvée le corps entièrement tatoué de motifs décoratifs de l'ordre du sacré ou du religieux. En Asie Centrale, une autre momie, datant de 500 ans avant JC, affichait des tatouages représentant des créatures imaginaires.
De nos jours, le tatouage a trouvé une véritable dimension sociétale grâce aux célébrités qui affichent leurs tatouages et aux stylistes comme Jean-Paul Gauthier qui a démocratisé cet art lors de son défilé de 2011.
La symbolique du deuil à travers le tatouage
Le tatouage autrefois marginalisé est donc devenu un bijou corporel voire un art de vivre. Son succès est tel qu'il a la faveur de nombreux médias : sites Internet, magazines, émissions de télévision... Le tatouage ne se distingue plus par type de population ou par classe sociale. Cet art corporel est un moyen de créer un lien social, il constitue un formidable outil d'expression. D'après D. Le Breton, sociologue qui s'est beaucoup intéressé aux modifications corporelles et à leurs implications dans le monde d'aujourd'hui, « l'individu hante la surface de son corps. Pour qu'elle puisse parler favorablement de soi aux autres, il faut la personnaliser. La valeur personnelle se confère moins dans les œuvres que dans ce que l'on affiche de soi ». Ainsi, le tatouage prend la valeur d'un album photo indélébile qui répertorie les événements de vie les plus marquants (relation amoureuse, naissance, passage à l'âge adulte...).
Le deuil ne fait pas exception et nombreux sont les endeuillés qui rendent hommage à leur proche décédé de cette manière. Toujours d'après D. Le Breton, la commémoration s'inscrit alors sur le corps. « Le signe cutané est désormais une manière d'écrire dans la chair des moments clés de l'existence ». Le tatouage en hommage prend des formes très différentes.
Lorsqu'on a une lecture attentive des émissions de télé réalité Miami Ink ou L.A. Ink sa série dérivée (spin-off), on s'aperçoit que le tatouage prend la forme de ce qui était cher à la personne décédée allant du symbolisme au portrait. Par exemple, dans L.A. Ink, Hannah Aitchison a tatoué l'avant-bras d'une surfeuse d'une superbe sirène en souvenir de son amie (surfeuse également) décédée des suites d'un cancer. Cette dernière lui avait dit dans les derniers moments de sa vie vouloir se réincarner en sirène. Kat Von D. (Miami Ink et L.A. Ink) tatoue régulièrement de magnifiques portraits de défunt dont certains sont présentés dans la galerie d'images du site de son salon High Voltage Tattoo.
En Angleterre, D. Davidson, un professeur de l'université de York, a compilé une galerie en ligne de photos et d'histoires qui offre un aperçu du phénomène. D. Davidson souligne que beaucoup de personnes pratiquent le tatouage commémoratif, que ce soit leur premier ou qu'il vient s'ajouter à ceux qu'ils ont déjà.
Dans les autres parties du monde, différents peuples utilisent le tatouage comme signe de deuil. En Inde et au Tibet, les tatouages accompagnent les périodes difficiles de la vie qui sont la puberté, la maternité et la maladie/le deuil. Pour les Hawaïens, le deuil était l'occasion d'un tatouage fait de points et de traits sur la langue. Ils symbolisent également leur défunt grâce aux esprits protecteurs hawaïens comme la chouette ou la raie.
Une petite référence à la douleur
Le tatouage en général est souvent lié à une douleur que les gens veulent surmonter et affronter avec cet art corporel, au lieu de l'oublier. L'idée de souffrance fait partie intégrante du tatouage et comprend un « processus de construction identitaire, ce qui donne à la douleur imposée une valence positive, car c'est à travers elle que l'individu évolue, progresse », selon l'ethnologue B. Rouers.
Quelques conseils pour un tatouage commémoratif
La perte d'un proche est une expérience douloureuse et parfois un tatouage est une bonne voie pour honorer ce défunt et soulager sa peine. D'après KL Hudson, écrivain et défenseure de l'art du tatouage, « choisir le bon dessin pour un tatouage commémoratif peut s'avérer plus difficile que le choix d'un tatouage célébrant un événement heureux ».
Dans ces livres, elle donne une série de conseils. Le premier serait d'attendre le temps nécessaire pour faire son deuil avant de prendre une décision aussi irréversible. « Prendre une telle décision lorsque vos émotions sont particulièrement exacerbées n'est pas une bonne idée ». Un tatouage commémoratif devrait refléter la personnalité et les centres d'intérêt du défunt qui est honoré. Mais il faut également que ce soit quelque chose qui vous ressemble pour que vous soyez fier de le porter.
Le tatouage commémoratif reste une démarche personnelle et respectueuse de la personne décédée. Quelque soit le dessin, il honore la mémoire de l'être cher décédé et contribue à la démarche de deuil du tatoué.
Caroline Tête, octobre 2013 - mis à jour en janvier 2019
Pôle Veille et Documentation du CNSPFV
Références bibliographiques
Agbo, M. ; Fargeat, M. ; N'Daw, C. Tatouages et piercings : dans quelle mesure les tatouages et les piercings créent-ils des leins sociaux ? Rapport de TPE 1ES3, 2010, 40 p. [Dernière consultation : 31/10/2013]
Hudson, K.L. Chick ink: 40 stories of tattoos and the women who wear them. Tallahassee, FL, USA : Polka Dot Press, 2007, 256 p.
Hudson K.L. Living canvas: your complete guide to tattoos, piercings, and body modification. Jackson, TN, USA : Seal Press, 2009, 336 p.
Le Breton, D. Signes d'identité : tatouages, piercings, etc. Journal français de psychiatrie 2006, n°24, p. 17-19. [Dernière consultation : 29/01/2019]
Milvaux, L. Qui sont les tatoués d'aujourd'hui ? Mémoire de Master 1, Université de Paris 1, 2006, 90 p. [Dernière consultation : 29/01/2019]
Rouers, B. Les marques corporelles des sociétés traditionnelles : un éclairage pour les pratiques contemporaines . Psychotropes 2008, vol. 14, p. 23-45. [Dernière consultation : 29/01/2019]
Aviez-vous remarqué que la plupart des super-héros sont en deuil ? Omniprésents sur nos écrans, qu'ils soient petits ou grands, plongeons dans leur univers pour identifier si le deuil est une composante nécessaire à leurs pouvoirs.
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Super-héros |
Identité humaine |
Deuil |
Batman | Bruce Wayne |
Père, Mère, Oncle (père adoptif) |
Captain America |
Steve Rogers |
Père, Mère |
Daredevil | Matthew Mivhael Murdock |
Père, Mère |
Hulk | Bruce Banner |
Père, Mère, Tante |
Iron Man |
Tony Stark |
Père, Mère |
Spiderman | Peter Parker |
Père, Mère, Oncle (père adoptif) |
Superman | Clark Kent |
Père, Mère, Père adoptif, Oncle, Tante |
D'autres auteurs estiment que les super-héros nous permettent d'élaborer une identité construite autour de la résistance à la mort, génératrice de souffrance, par l'étalage d'une force physique impressionnante, comme c'est le cas de Superman, ou par une intelligence hors du commun, comme par exemple Batman.
En frappant leurs super-héros de deuil, parfois dès leur naissance, la culture occidentale du vingtième sièce offre, à travers le prisme des comics (BD américiane), des modèles de résilience face à l'épreuve du deuil et ainsi, nous donne en filigrane des représentations de l'orphelinat (4).
Ainsi, la littérature nous montre que le deuil, et en particulier l'orphelinat, chez le super-héros joue des fonctions, soit scénaristiques soit psychosociologiques. Mais qu'en est-il du super-héros en lui-même ? Quel impact a le deuil sur le super-héros ? Sur ses aventures ? Sur les lecteurs ?
Pour répondre à ces questions nous avons demandé l'avis de spécialistes pour nous aider :
Laurent Queyssi |
Les rédacteurs de www.mdcu-comics.fr | L'équipe du Comicverse www.comicverse.fr |
L'univers magique de Disney...
Force est de constater que même dans un monde fantastique, la mort existe. Et pas seulement pour les méchants ! Beaucoup de gentils décèdent aussi, faisant de la mort un thème presque récurrent dans l'oeuvre des studios Disney. Mais comment est-elle abordée ?
Depuis 1938 et son magnifique Blanche Neige et les sept nains, Walt Disney et ses héritiers n'ont cessé de divertir petits et grands de belles histoires... dont de nombreuses traitent en filigrane le thème de la mort. Des études comme celle de Cox et al. (Omega, 2004-2005) ont montré la fonction éducative des films Disney dans l'appréhension de la mort par les enfants. On peut même suivre les différentes étapes du deuil à travers les oeuvres développées en collaboration avec les studios Pixar.
Avec la sortie du film A l'ombre de Mary - La promesse de Walt Disney, on s'est donc naturellement posé la question du traitement de la mort dans l'univers Disney.
Et plus particulièrement, si ce traitement suivait le lent processus historique qui tend à effacer la mort dans la société, comme l'ont montré les travaux de sociologues tels que Norbet Elias ou d'historiens tels que Philippe Ariès. Selon ce dernier, les sociétés occidentales vivent "une révolution brutale des idées et des sentiments traditionnels". Traditionnellement, à l'approche de la mort, l'homme convoquait son entourage pour une transmission matérielle et spirituelle. Ces temps du mourant, du rituel et du deuil tendent à s'effacer, la phase ultime de la disparition de la mort "sociale" étant l'incinération.
En balayant rapidement les oeuvres de l'univers Disney, on serait tenté de croire qu'effectivement, le mourir et la mort ont moins leur place dans les derniers films que dans les premiers. Rappelons-nous le cerceuil de verre de Blanche Neige par exemple. Mais ce serait faire abstraction de deux éléments : la valeur narrative des contes et les codes cinématographiques.
Des contes initiatiques
Les contes abordent tous les thèmes. Ils déroulent des espaces imaginaires où la mort apparaît, souvent là où on ne l'attend pas. La mort subit par le mauvais personnage (la méchante sorcière, Maléfice, Ursulla...) correspond à la mort "sans rien après" sur laquelle les récits de tradition orale ne s'attardent pas. Les contes abordent également la mort initiatrice, initiation du héros, et par extension du spectateur qui s'identifie au héros, procédant de différents degrés d'édification. Ainsi, au début des contes, la mort d'un proche (souvent le père, lorsqu'il s'agit d'une héroïne - Cendrillon, la mère lorsqu'il s'agit d'un héros - Bambi) correspond à la fin de l'enfance et elle marque le début du cheminement vers l'âge adulte. Le Roi Lion est le Disney le plus ancré dans cet apprentissage, avec Bambi.
Des codes cinématographiques respectés
Au cinéma, comme au théâtre, il existe des conventions pour présenter la mort et le mourir. Si le théâtre privilégie le côté dramatique, le cinéma bénéficie de plus d'options et les réalisateurs s'attachent à mettre en image la mort sous forme symbolique ou métaphorique. Prenons l'exemple de Blanche Neige (première mort mise en scène dans un Disney). Le spectateur ne voit pas la mort de Blanche Neige, il suit l'explication de la méchante sorcière ("son coeur va s'arrêter, son sang va se glacer"...), puis la mise en scène se focalise sur le tomber du bras et le relâchement de la pomme côté morsure dont l'immobilisation symbolise la mort de la première princesse Disney. Autre exemple plus proche de nous : La Princesse et la Grenouille. Ray (la luciole) meurt écraser par le Dr Facilier. La mise en scène choisie montre l'âme de Ray monter au ciel rejoindre Evangéline, son étoile bien-aimée.
Comme on le constate, les réalisateurs peuvent symboliser soit la mort, soit l'envol de l'âme. Ces exemples montrent la volonté du réalisateur de représenter au spectateur la mort comme quelque chose de définitif ou une sorte de transition vers une autre condition (Mufase, Gusto, les ancêtres de Mulan apparaissent sous forme de spectres ou d'esprits protecteurs). Ainsi, ces images évitent de décrire la mort comme elle est : le spectateur peut la vivre comme une abstration, la mort est réduite à son idée.
En conclusion, on constate que si la mort dans les Disney ne suit pas la disparition de la mort "sociale' dans les sociétés occidentales, elle a le mérite d'être véhiculée sur un support plébiscité par un jeune public dont les connaissances psychologiques et philosophiques de la mort sont souvent floues. Les films Disney restent donc un bon outil pour parler de la mort et du deuil avec eux.
Caroline Tête, avril 2014
Documentaliste au CNDR Soin Palliatif
Références
ARIES, P. Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours. Paris : Histoire, coll. "Points" 1975, 222 p.
ARMSTRONG, R. The moving image: the aesthetics of loss and solace in the modern mourning film. Bereavement Care 2012, vol. 31, n°1, p. 25-29.
COX, M. ; GARRETT, E. ; GRAHAM, J.A. Death in Disney films: implications for children's understanding of death. Omega 2004-2005, vol. 50, n°4, p. 267-280.
DI FOLCO, P. Dictionnaire de la Mort. Paris : Larousse, coll. "In Extenso" 2010, 1 130 p.
JANDROK, T. Répétition et oblitération de la mort dans le cinéma occidental. Etudes sur la mort 2011, n°139, p. 135-143.
JULIERS-COSTES, M. Le paradigme du déni social de la mort à l'épreuve des séries télévisées. Mise en scène et mise en sens de la mort. Etudes sur la mort 2011, n°139, p. 145-163.
LE GUAY, D. Représentation actuelle de la mort dans nos sociétés : les différents moyens de l'occulter. Etudes sur la mort 2008, n°134, p. 115-123.
LECOMTE, K. Mort et cinéma : une dialectique du vide. Etudes sur la mort 2011, n°139, p. 125-134.
LENNE, G. La mort à voir. Paris : Editions du Cerf 1997, 166 p.
ORANGE, J. Prologue to a study of death in film. In, MORGAN, J.D. Readings in thanatology. New York : Baywood Publishing Company, Inc. 1997, chap. 3, p. 33-43.
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Clin d’œil à la « Fashion week » qui se déroule à Paris du 28 février au 8 mars, VigiPallia met à l’honneur les modes vestimentaires du deuil... Bienvenue dans notre « Fashion » story ! |
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Le jeu fait partie intégrante du développement de l’enfant, y compris quand il est en fin de vie. Nous avons rencontré Viviane Lefèvre, éducatrice de jeunes enfants, pour en savoir plus. |
Un garçon joue avec moi au jeu des sept familles. A un moment j’invite la maman à participer, alors que de prime d’abord, elle regardait un peu de loin. La partie de jeu de sept familles s’est terminée à trois dans de grands rires. |
Une enfant de 11 ans, deux jours avant sa mort, joue avec le jeu des tangrams, jeu qui permet de construire des formes. Il s’agit de construire une forme dans le temps imparti par un sablier. Elle dit à plusieurs reprises « Le temps s’est écroulé ». Je lui fais remarquer qu’elle a dit cette phrase. L’enfant me regarde et redit « Le temps s’est écroulé ». Il ne sera rien dit de plus de la part de l’enfant ou de la mienne. La phrase a été dite, entendue et partagée. |
Un jeune garçon, dans ces derniers jours de vie, ne voulait faire que des combats de robots avec ses figurines. |
Un garçon en fin de vie, très en colère, ne supporte pas les soins. Mes collègues puéricultrices sont obligées de le contenir pour pouvoir les faire. Très rapidement, je suis intervenue pour capter l’attention de l’enfant avec des marionnettes afin que mes collègues puissent le soigner tranquillement. |
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L'accompagnement des enfants et adolescents avec la création d'un livre : un beau projet initié et développé par Christelle Cuinet, biographe hospitalière. |
VigiPallia (V) : Bonjour Christelle Cuinet, nous vous remercions de cet entretien. Professeure de lettres dans un lycée, quel a été votre cheminement pour devenir biographe hospitalière ? Depuis quand êtes-vous biographe ? Avez-vous suivi une formation ?
Christelle Cuinet (CC) : J’ai enseigné vingt-trois ans. Le projet de devenir biographe s’est en quelque sorte imposé à moi fin 2010 ; il est né de mon parcours, des compétences que j’avais envie de mettre au service des personnes en fin de vie. L’idée des enfants s’est alors présentée comme une évidence. J’ai suivi une formation d’accompagnement des personnes en fin de vie avec l’association Jalmalv, avant de commencer en 2013. Entre temps, j’ai rencontré des médecins, très à l’écoute de mon projet, qui ont passé du temps avec moi pour chercher des solutions afin de le mettre en place : Régis Aubry, Sandra Frache, Emmanuel Plouvier. Ce temps a également servi à démarcher et trouver des financeurs puisqu’il s’agissait de proposer des accompagnements qui soient gratuits pour les familles.
V : En quoi consiste votre métier de biographe hospitalière auprès d’enfants et d’adolescents ?
CC : Le métier de biographe, c’est tout d’abord beaucoup d’écoute, être présent au chevet des malades, leur accorder du temps et un espace de parole. Cet espace leur permet de revenir sur leur vie ou la traversée de la maladie, c’est le choix que font la plupart du temps les adolescents. Les plus jeunes construisent une fiction, ils me racontent une histoire et font des dessins. La finalité est la création d’un livre imprimé en plusieurs exemplaires, offerts aux familles. Le métier, en tout cas dans la forme que j’ai choisie, consiste aussi à me rendre au domicile des enfants et adolescents sur le territoire Bourgogne Franche-Comté, il y a donc des temps de déplacements car beaucoup d’enfants malades sont à domicile, ils ne sont pas toujours hospitalisés longtemps et créer un livre mérite un suivi régulier. Un rythme de « travail » s’instaure.
A l’occasion d’une conférence, Christelle Cuinet a réalisé un livre « Christelle et les livres d’enfants ». Il a été construit selon le même modèle que peuvent suivre les enfants. Les illustrations sont les leurs. Ils ont été accompagnés par l’association Traces de Vies :https://www.flipsnack.com/TracesdeVies/christelle-cuinet-extrait-de-son-livre.html |
CC : La relation s’instaure très facilement, les enfants sont spontanés, ils accueillent avec joie un projet qui leur permet de s’évader un peu du quotidien de la maladie. Une première séance permet la prise de contact mais bien souvent, ils souhaitent commencer tout de suite. On se présente et c’est parti !
Je me mets au service de l’enfant, je m’adapte à son rythme, aux soins, je recueille sa parole en enregistrant nos conversations pour lui être fidèle et ne pas dénaturer son message.
Les parents sont ravis de voir leur enfant construire un projet, être créatif pendant la maladie. Les séances sont individuelles, les parents n’y assistent pas. Ils se prêtent volontiers au jeu, c’est l’occasion pour eux de sortir un peu, d’avoir un moment de répit.
V : Vous avez été tout d’abord biographe hospitalière auprès d’adultes. Vous travaillez maintenant avec des enfants. Est-ce différent ?
CC : Je travaille avec les adultes et les enfants. Bien sûr c’est différent, l’enfant est plus spontané, il se pose moins de questions que l’adolescent ou l’adulte. Il est dans le jeu, l’instant présent, il parle très peu de sa maladie, voire pas du tout. L’adulte revient sur sa vie, sur des moments heureux, des gens, qui ont compté pour lui, il laisse des messages à ses proches, à ceux qui vont rester après sa mort, et ce sont des moments d’accompagnement riches ; en émotion, en partage. J’aime les deux formes d’accompagnement, ma place reste la même, à l’écoute. Je crois que ce qui est très important, c’est cet espace de parole et d’écoute laissé à la personne, le temps qu’on lui accorde et qui fait d’elle une personne unique, avec une vie unique et digne d’être racontée.
V : Qu’apporte votre travail aux enfants et que représente pour eux le livre créé à partir de leurs récits ?
CC : La création d’un livre est une petite porte ouverte sur l’imaginaire, l’enfant s’évade un moment, il a un projet concret dans un moment de fragilité où il est la plupart du temps, déscolarisé, désocialisé. Le livre est offert à l’école, l’enfant est valorisé, aux yeux de la maîtresse, de ses camarades, mais aussi des parents qui découvrent parfois des capacités qu’ils ne soupçonnaient pas chez leur enfant.
Le livre est une trace d’un moment particulier de la vie de l’enfant, il rejoint la bibliothèque familiale, il est un témoin du vécu de l’enfant.
La remise du livre est un grand moment de fierté pour l’enfant qui dédicace son ouvrage à ses proches, aux soignants.
Enfin, la transmission de l’objet livre est une part importante de la biographie, ce n’est pas un objet anodin, il a du sens dans la vie de cette famille.
Un jeune adolescent m’a écrit que faire un livre lui avait permis « de se sentir quelqu’un, une personne qui accomplissait quelque chose, une œuvre. » Qu’il lui avait permis également de « garder confiance en (soi) et en (ses) capacités. De ne pas (se) laisser aller dans l’abandon à la maladie. » Je trouve ces paroles très fortes et très représentatives de l’importance du livre dans la vie de certains enfants ou adolescents. Retrouver confiance en soi et estime de soi, est très important dans le parcours lié à la maladie.
V : Comment les parents perçoivent-ils votre travail ?
CC : Les parents sont favorables à l’écriture du livre, ils pensent souvent, à juste titre, que cela pourra faire du bien à leur enfant. Certains ont vu leur enfant se transformer à partir du moment où la création du livre est entrée dans leur vie. Une maman m’a écrit « Grâce à ce projet mon guerrier est remonté à cheval, prêt à se battre à nouveau. Il n’était plus un petit garçon malade, cloué sur un lit d’hôpital, il était devenu un « écrivain ». Ça lui a redonné de la force et du courage. » Cela change le rapport aux choses, l’enfant a un objectif, il n’est plus seulement focalisé sur sa maladie. Certains parents soutiennent ou rejoignent l’association aujourd’hui.
V : Comment est reçu votre travail par l’équipe soignante ? Y-a-t-il d’autres expériences comme la vôtre en France ?
CC : Les équipes soignantes sont mes premiers soutiens, les médecins ont cru en ce travail dès le départ, ils l’ont valorisé. Ils assistent aux remises de livres, se font dédicacer le livre par l’enfant. Ce projet crée du lien dans les services entre les soignants, les enfants et les parents. C’est un service proposé par les équipes soignantes aux parents et aux enfants et c’est une plus-value pour l’hôpital.
Nous sommes quelques biographes en France aujourd’hui, très peu, trop peu (Céline Fellel à Rennes, Mme Milewski).C’est la mise en place qui est difficile. Et pourtant il devrait y avoir un biographe, au moins, par hôpital, tant les retours des patients et des médecins sont positifs. Un malade au seuil de sa mort, un enfant malade, trouvent un réel bénéfice à se raconter, c’est un moment à eux, pour eux. Le biographe est là, il a du temps à leur accorder. Cela redonne confiance aux personnes qui ne pensaient pas être capables d’écrire un livre, et pourtant quand elles commencent, il est parfois difficile de les arrêter.
V : Vous avez créé l’association « Traces de Vies ». Pourriez-vous nous en dire plus ? Quels projets aimeriez-vous développer ?
CC : Je vais vous présenter rapidement mon association « Traces de Vies ».
L’association a mis du temps à se développer, il a fallu trouver des financements, il n’a pas été facile de convaincre, il a fallu prendre des risques, quitter le connu et la sécurité pour l’inconnu. Oser. J’étais seule au début, pendant trois ans. L’association s’est créée, a grandi ; de trois, nous sommes passés à vingt membres bénévoles ces deux dernières années. Je suis maintenant salariée de l’association, mais j’aimerais remercier tous les bénévoles qui œuvrent pour mettre en place des actions, chercher des financements, du mécénat. L’arrivée de notre Président, le docteur Plouvier, ancien chef de service de l’hémato-oncologie pédiatrie, qui connaissait mon travail, a également été un tournant, car il a su défendre le projet et a donné du poids à l’association.
J’aimerais que «ma » Petite Fabrique de Héros s’exporte ! J’aimerais former quelques personnes pour que les services pédiatriques en France puissent offrir ce service à leurs petits patients.
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Katy Roy travaille avec les mots et les symboles pour soigner l’âme. Entrevue avec Katy Roy, bibliothérapeute. |
Bibliothérapeuthe, Katy Roy travaille avec les mots et les symboles pour soigner l’âme. En 2010, elle a fondé au Québec La Bibliothèque Apothicaire (La BA), une « pharmacie remplie d’histoires et de poèmes pour explorer notre propre histoire et éclairer le sens de nos expériences ». Elle réalise en ce moment un doctorat de recherche en psychologie à propos de sa pratique professionnelle. En 2011, elle a signé un article au sujet de la bibliothérapie dans l’Encyclopédie sur la mort. Qu’est-ce que la bibliothérapie et comment peut-elle s’inscrire dans la démarche d’accompagnement en soins palliatifs? C’est ce que l’équipe de VigiPallia a cherché à savoir au cours d’une entrevue avec Katy Roy, lors de son passage en France dans le cadre d’un projet de résidence.
VigiPallia (V) : Bonjour Katy Roy, nous vous remercions d’avoir accepté cette entrevue. D’entrée de jeu, pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu’est la bibliothérapie ?
V : Comment êtes-vous « devenue » bibliothérapeute ? Avez-vous suivi une formation spécifique ?
V : Existe-t-il un consensus sur les fondements et la pratique de la bibliothérapie ? Qu’elle est votre vision personnelle de ce métier ?
K : On distingue plusieurs formes de pratique de la bibliothérapie selon les lieux, les facilitateurs, les participants, les techniques ou les buts recherchés. Dans la littérature scientifique autour du sujet, il est surtout question, dès 1978, de deux types de bibliothérapie : une bibliothérapie clinique et une bibliothérapie créative. La bibliothérapie dite clinique est surtout pratiquée par des médecins et des professionnels de la santé, qui ont recours à des livres de psychologie populaire (self-help books) traitant de la pathologie de leur patient ; très peu de cliniciens utilisent la fiction. A contrario, l’ouvrage de fiction est la matière première du bibliothérapeute créatif. Mais ce qui distingue surtout la bibliothérapie créative de la bibliothérapie clinique, c’est qu’elle est perçue comme un outil de développement personnel et d’amélioration du bien-être plutôt qu’un traitement relié à certaines pathologies. C’est le type de bibliothérapie qui m’a intéressé et à partir duquel j’ai développé le projet de La BA.
V : Au quotidien, comment pratiquez-vous votre travail de bibliothérapeute ? Quels sont vos principaux outils ?
K : Ma méthode de travail est teintée de mes expériences avec l’imagerie mentale. Dans le cadre des rencontres individuelles et des ateliers de groupe, j’allie la bibliothérapie et l’imagerie mentale dont le cœur est le symbole. C’est pourquoi je parle, à la lumière de ma pratique, de bibliothérapie symbolique. L’imagerie mentale est une technique où la personne est amenée à symboliser une difficulté, un événement ou encore une personne avec laquelle elle est en relation. Dans l’imagerie mentale, il ne s’agit pas d’interpréter, il suffit de travailler en restant très proche du symbole. L’accompagnant guide la personne pour laisser se déployer ce symbole. Ce scénario qui se construit au fil de l’imagerie laisse voir la relation que la personne entretien avec ce symbole et quelle émotion ce dernier génère. De la peur, de la fuite, un désir de violence, une tristesse, une fusion, de la joie, de l’amour… Dans l’imagerie mentale, nous retrouvons les mêmes principes que ceux de la dramaturgie. Un événement déclencheur survient autour d’un personnage et génère en lui une émotion. À cet événement est souvent rattaché un opposant que le personnage doit affronter (qui peut être une personne ou une émotion) et l’aide d’un adjuvant est souvent d’un grand secours pour résoudre l’histoire. Le texte choisi dans la rencontre en bibliothérapie peut, entre autres, jouer le même rôle que celui d’un symbole. Un élément du texte qui interpelle davantage la personne devient le point central à partir duquel explorer. Cette exploration permet souvent de faire des liens entre certaines de nos réactions et des expériences primaires que nous avons eues et qui ont créé certains mécanismes en nous.
V : Vous êtes à l’origine de La Bibliothèque Apothicaire. De quoi s’agit-il exactement ?
K : La première activité que j’ai mise en place avec La BA est une installation que j’ai fini par nommer La BA du passant. Comme son nom l’indique, l’activité de La Bibliothèque Apothicaire du passant est tenue dans un lieu passant où les gens peuvent s’arrêter spontanément pour une rencontre brève de 15 à 20 minutes. J’ai eu l’occasion de réaliser cette activité dans différents contextes : bibliothèques, écoles, festivals, milieu de la santé, organismes sociaux, prisons, entreprises. Les participants sont conviés à prendre place dans l’installation. Comme point de départ, je les invite à partager un élément qui les concerne : un questionnement, une expérience de vie, un élément qu’ils voudraient explorer, un besoin. À partir de ces informations, je fais le choix d’une lecture : un conte, un poème, un extrait de roman. Vient ensuite le moment de lecture à voix haute du texte sélectionné. C’est le plus souvent moi qui fais la lecture. Les participants sont ensuite invités à partager leur ressenti face au texte. Qu’est-ce qui les interpelle, les questionne dans celui-ci ? Quelle lecture font-ils de l’histoire ? La personne finit souvent par se reconnaître au travers des éléments retenus et de sa vision du texte. Je peux aussi demander à la personne de laisser surgir spontanément un symbole pour se représenter l’élément de départ partagé ou un élément du texte qui retient son attention. Nous travaillons ensuite autour de ce symbole avec l’outil de l’imagerie mentale. J’ai aussi au cours de la dernière année développé le format des rencontres individuelles d’une heure en cabinet privé au Québec, avec des personnes qui souhaitent explorer certains questionnements concernant des relations conflictuelles au travail ou dans leur sphère personnelle.
V : A ce jour, plusieurs milieux de soins de part et d’autre de l’Atlantique ont bénéficié de votre expertise en bibliothérapie. Pouvez-vous nous parler de ces expériences ?
V : À votre avis, qu’est-ce que la bibliothérapie peut apporter dans un contexte de fin de vie ?
K : La lecture d’un texte et le travail avec le langage symbolique constituent des expériences qui permettent d’actualiser, de mettre à jour et de renouveler certains de nos mécanismes. Il s’agit ici de découvrir, par l’intermédiaire d’un texte, quels sont les autres avenues, les gestes, les manières de penser, les perceptions de soi, de l’autre et du monde. En s’ouvrant aux possibles, c’est notre territoire identitaire qui prend de l’expansion. Dans un contexte d’accompagnement en fin de vie, ces possibilités que propose la bibliothérapie peuvent permettre de donner un sens à des expériences de vie qui ont été marquantes ou encore de saisir les subtilités de certaines relations interpersonnelles pour en percevoir la richesse ou en dénouer certains fils qui auraient pu s’emmêler au gré des années. Pour reprendre une image de Marcel Proust, on peut dire que l’écrivain offre au lecteur une paire de lunettes, une perception particulière, afin de lui permettre de découvrir à propos de lui-même quelque chose qu’il n’aurait peut-être jamais expérimenté autrement. Et la raison pour laquelle la littérature et l’imaginaire nous offrent cette possibilité, c’est qu’ils utilisent le langage symbolique, un langage qui rejoint nos dynamiques profondes et qui nous structure.
V : Comment choisissez-vous les livres ? Auriez-vous des titres à suggérer pour une personne en fin de vie ? Pour ses proches ? Pour les soignants ?
K : En fait, je ne travaille directement avec les pathologies ou les évènements thématiques. C’est-à-dire que je ne sélectionne pas les lectures en fonction de faits rationnels, dans le cas présent une personne en fin de vie, mais plutôt en fonction de l’expérience personnelle de celle-ci. Il me paraît important de ne pas avoir une idée fixe sur le choix de lecture en fonction d’éléments extérieurs à la personne. Ma bibliothèque comprend environ 80 textes et extraits ; je sélectionne l’un d’eux sur le moment en fonction de l’échange que nous partageons. C’est un peu différent lors des ateliers de groupe. Je prends alors souvent comme point de départ un symbole – par exemple la maison, qui peut symboliser notre manière d’être et notre construction intérieure–, puis l’échange qui s’ensuit avec les participants me permet d’orienter mes interventions en fonction de leurs lectures personnelles.
V : Les patients qui ont bénéficié de vos services sont-ils de grands lecteurs ?
K : Pas nécessairement. Ce qui est le plus amusant, c’est que mes interventions auprès des lecteurs gourmands sont habituellement plus complexes. C’est qu’il leur faut plus de temps pour réagir au texte par une réponse émotive, puisqu’il faut d’abord déconstruire leurs réflexes intellectuels face au texte. Avec des personnes qui n’ont pas de schéma organisé autour de la littérature, l’expérience est plus directe.
V : De manière générale, quel est le retour d’expérience des participants que vous avez accompagnés ?
K : Plusieurs participants témoignent de leur impression d’avoir de nouvelles perspectives qui se sont ouvertes à eux. Certains ont envie de continuer un cheminement personnel avec la bibliothérapie, puisque cet outil s’intègre bien à une réflexion quotidienne, bien que l’accompagnement avec un facilitateur puisse permettre d’approfondir certains aspects de soi que l’on a davantage de difficulté à apprivoiser sans témoin bienveillant extérieur.
V : Qu’est-ce qui vous attend pour les prochains mois ? Quels sont les projets à venir à La BA ?
K : Je retourne au Québec où je reprendrai mon projet doctoral autour de la bibliothérapie, qui me permet entre autres de théoriser les expériences pratiques que j’ai menées depuis bientôt une dizaine d’années. Parallèlement, je travaille à mettre sur pied une formation adressée aux accompagnateurs (thérapeutes, soignants, proches aidants, etc.) pour leur permettre d’intégrer l’approche de la bibliothérapie dans leur travail respectif. Enfin, je souhaite développer davantage les retraites de bibliothérapie de quelques jours à quelques semaines, tant au Québec qu’en France et en Suisse. Puis je reste toujours ouverte à la réalisation d’autres résidences dans les milieux de vie, de soin et d’éducation en Europe.
V: Merci infiniment Katy pour cette entrevue. Nous vous souhaitons bonne continuation !
Pour en connaître davantage sur Katy Roy et son projet : La Bibliothèque Apothicaire
Références bibliographiques :
La Bibliothèque Apothicaire. (s. d.). Consulté à l’adresse http://labibliothequeapothicaire.com/
La Bibliothèque Apothicaire et la bibliothérapie (Encyclopédie sur la mort ). (s. d.). Consulté à l’adresse http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/la_bibliotheque_apothicaire_et_la_bibliotherapie
Ouaknin, M.-A. (2015). Bibliothérapie: lire, c’est guérir. Paris: Éditions Points.
Tukhareli, N. (2014). Healing through books: the evolution and diversification of bibliotherapy. Lewiston : Edwin Mellen Press.
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En cette période de rentrée, on pense aux enfants ! Et si, le temps d’un article, on naviguait aux côtés de Luffy et son équipage pour voir comment est présentée la mort sur la route de tous les périls ! |
Lorsque l’on parle de la mort dans la littérature, il peut paraître étrange de s’attarder sur l’art des mangas, tant celui-ci est associé à la littérature de divertissement. Il est encore plus étonnant de décrypter les représentations de la mort à la lecture du manga One Piece dont l’intrigue principale tourne autour de la piraterie et de ses modes de fonctionnement (aventures, honneur, etc.).
Des personnages atemporels
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Cependant, là aussi comme de nombreuses séries, Oda a introduit une dimension temporelle qui fait disparaître les personnages au profit de leurs descendants ou les fait réapparaître après leur mort, comme Pell.
La mort est-elle réellement absente de One Piece ?
L’impression de mort est renforcée par la composition même des planches du manga dont l’histoire est dessinée en noir et blanc, dans un découpage cinématographique que l’on retrouve dans les story-boards. Le noir sert ainsi à rehausser la blancheur, par exemple les vêtements noirs de Perona sur une peau blanchâtre. Quelques rares cases toutes noires traduisent cependant le risque de mort qui menace les héros. Le côté obscur est surtout dans le scénario qui multiplie les mésaventures. L’équipage du « Thousand Sunny », Luffy en tête, risque sans cesse de disparaître, mais il s’en sort toujours. La mort en sa menace permanente est le ressort de l’aventure, elle rythme l’action, elle donne vie à l’intrigue.
La mort prend ensuite une nouvelle dimension avec les morts avérées d’Ace et de Barbe blanche suivies des rites funéraires liés à la piraterie et du recueillement de Luffy sur leurs tombes. On assiste à la souffrance de Luffy de perdre son frère et à une période de deuil marquée également par l’absence de ses amis à qui il donne rendez-vous deux ans plus tard, bien entraînés pour prendre la route du Nouveau Monde.
La peur de la mort est, elle aussi, présente dans l’histoire. Chopper, le médecin de l’équipage, et Usopp, l’ingénieur, incarnent cette peur par leurs expressions faciales caractéristiques : larmes, haut du visage grisé, yeux ovales et opaques, perles de sueur. Luffy, pourtant, ne semble pas pouvoir ressentir la peur de la mort, sa loyauté et sa confiance aveugle en la vie aventureuse qu’il a choisi en sont sûrement pour quelque chose. Mais pas seulement… c’est aussi parce qu’il est toujours là ; son immortalité étant la marque de son héroïsme. Peut-il, dès lors, sortir de scène, ou est-il condamné à l’éternel retour, à courir en boucle d’une aventure à l’autre ? Espérons que cette course ne se figera pas avec la mort de son créateur : les aventures de Luffy comptent pour le moment 87 volumes au Japon en 20 ans de travail.
Vivants, morts et morts-vivants
Le thème de la mort est prégnant dans les aventures de Luffy. Cependant, force est de constater que le royaume des morts ne s’ouvre pas facilement. Les personnages décédés sont souvent déjà morts lorsqu’on les évoque dans le manga. Les personnages vivants rencontrés dans les aventures de One Piece survivent, ressuscitent ou réapparaissent. Ce phénomène déborde largement l’univers du manga. D’autres mangas jouent constamment avec la mort ou l’immortalité. Certains meurent et reviennent (Gantz), d’autres meurent pour de bon (Death Note), d’autres ne peuvent pas mourir (To Your Eternity).
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La mort ne peut pas ne pas inquiéter. En racontant des histoires qui ont une fin, même si les personnages donnent l’impression d’y échapper, le manga parle de la mort et aide de ce fait à en parler. Par son extraordinaire créativité et son aptitude à jouer avec nos représentations et nos imaginaires, le manga relève des arts du divertissement. C’est justement parce qu’il joue de nos imaginaires, qu’il nous aide à affronter la mort en son mystère. Par les manières de la traiter, voire parfois de la moquer, le manga en appréhende la peur dans l’imaginaire du vivant. Ce qui aide finalement à la rendre vivable.
Caroline Tête, documentaliste - janvier 2018
Références :
Abbott M., Forceville C. Visual representation of emotion in manga: loss of control is loss of hands in Azumanga Daioh Volume 4. Language and Literature 2011, vol. 20, n°2, p. 91-112.
Gozlan A. Le manga animé, objet culturel de relation en psychothérapie d’adolescent. Psychothérapies 2016, vol. 36, p. 61-66.
Vincent F. La structure initiatique du manga. Une esquisse anthropologique du héros. Sociétés 2009, n°106, p. 57-64.
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Tout le monde ou presque apprécie le chocolat et ce qu’il peut nous apporter. Mais peu de personnes pensent que cette gourmandise sucrée peut être associée aux rituels d’enterrement et aux périodes de deuil. Suivez-nous pour découvrir une autre facette du chocolat… |
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Le yoga peut être proposé à différents patients en l’adaptant à leur état de santé. Comment cette pratique du yoga thérapeutique peut-elle répondre aux besoins des patients en soins palliatifs ? |
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La fin de vie et les soins palliatifs sont des moments de vie difficiles à gérer. De nombreuses études montrent que la communication est l’élément-clé dans la prise en charge palliative des patients. Qu’en est-il quand la communication est altérée, quand la communication doit trouver d’autres canaux pour atteindre son but ? VigiPallia a été à la rencontre de l’Unité d’informations et de soins des sourds de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris pour comprendre la manière dont étaient accompagnées les personnes sourdes en fin de vie. |
D’après la dernière étude menée par la DREES sur le handicap auditif en France (2008), on estime à 10 millions le nombre de personnes ayant des limitations fonctionnelles auditives (Haeusler et al. 2014). Ce chiffre inclut les personnes devenues sourdes et les personnes sourdes de naissance. Ces deux catégories se distinguent par la pratique de la langue des signes des seconds, le premier ayant déjà acquis la langue française. VigiPallia a voulu en savoir plus sur les besoins de prise en charge que nécessite la fin de vie des patients sourds de naissance.
La prise en charge médico-sociale d’un patient sourd nécessite un dispositif particulier. Dans l’idéal, le patient sourd hospitalisé a accès à une unité d’Accueil et de Soins des Sourds (UASS, UNISS). Or, il n’existe que peu d’unités inégalement réparties sur le territoire français. Ces unités sont généralement implantées dans les hôpitaux mais peuvent également être extrahospitalières. La loi du 11 février 2005 prévoit une accessibilité à l’information et aux services publics dans les normes d’accessibilité. La création des UASS/UNISS, définie par la Circulaire N° DHOS-E1-2007-163 du 20 avril 2007, répond à cette exigence de service.
L’UNISS de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière : une équipe dynamique attentive au bien-être des patients sourds
VigiPallia est parti à la rencontre de l’Unité d’informations et de soins des sourds (UNISS) de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Le Dr Alexis Karacostas nous a accueillis comme il accueille un patient sourd : en équipe ! Autour de nous, le Dr Karacostas était accompagné de Mathilde de l’Espinay, intermédiatrice, d’Inès Stefas, interprète extérieure (Association ARIS) et du Dr Jean-Luc Vourc’h. En effet, pour l’UNISS, toute procédure de soins nécessite un dispositif de communication qui, a minima, est constitué du patient, du soignant et d’un interprète. Celui-ci se veut être un pont linguistique. L’interprète n’existe pas en tant que sujet c’est-à-dire qu’il doit se faire le plus transparent possible.
Cependant ce pont linguistique ne suffit pas toujours. En effet, le cadre de la communication peut être mal placé, le jargon médical peut entraîner un fossé culturel. Donc la barrière n’est pas que linguistique, le patient peut ne pas avoir compris. La présence d’un tiers, l’intermédiateur, comble ce fossé entre le monde du soin et le patient. L’intermédiateur est une personne sourde, qui manie la langue des signes à la perfection et fonctionne en binôme avec l’interprète. C’est un professionnel qui travaille au sein de l’hôpital et a donc des connaissances médico-sociales précieuses. Etant issu de la culture sourde, il facilite la compréhension du patient quand une information lui est donnée. De plus, le patient peut s’identifier à l’intermédiateur et cela favorise un échange confiant et un regard positif de la part du patient. Dans une relation a minima cité plus haut, le patient peut se sentir mal à l’aise en tant que seul sourd au milieu d’entendants. La présence de l’intermédiateur rétablit, en quelque sorte, l’équilibre : deux sourds, deux entendants.
Lorsque le patient sourd est en fin de vie, la situation se complexifie
Les patients sourds sont souvent transférés dans des services ou des lieux de soins ne garantissant pas l’accès à un interprète. L’UNISS étant intrahospitalière, un suivi n’est pas possible lorsque le patient est transféré dans un autre hôpital ou à domicile. Le transfert vers une unité de soins palliatifs (l’hôpital de la Pitié Salpêtrière ne possède pas d’unité de soins palliatifs mais une équipe mobile de soins palliatifs) engendre une coupure dans le dispositif de communication établi. Dans une prise en charge en hospitalisation à domicile (HAD), il est également très compliqué de faire perdurer le dispositif.
L’annonce du diagnostic grave en fin de vie n’est pas plus simple. L’équipe de l’UNISS travaille en coordination avec les équipes soignantes. Cependant, lors de ces annonces, des différences de vocabulaire peuvent apparaître entre le concept et le signe : par exemple, la locution « soins palliatifs » se signait autrefois comme « soins comme une mort annoncée prochaine ». De plus, le nombre de personnes autour du patient peut gêner à la compréhension du discours. Il faut alors établir un cadre préparé avec les médecins de l’UNISS et procéder à des fractionnements de l’information.
Depuis 2005, la loi Leonetti permet la rédaction des directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance ; ce qui a été conforté dans la loi Claeys-Leonetti de 2016. L’intermédiateur explique très souvent le rôle de la personne de confiance au patient mais les directives anticipées restent encore compliquées à rédiger car l’utilisation de l’écrit devient rapidement un obstacle pour les patients sourds. Pour des raisons socio-culturelles, leur rapport à l’écrit est difficile. Il n’y aurait donc pas beaucoup de sens pour les patients de signer un document qu’ils ne comprennent pas. Le service propose également des groupes de parole et un suivi de deuil pour les familles.
Des obstacles identifiés à surmonter…
A ces difficultés liées spécifiquement aux soins palliatifs, s’ajoutent des limites de service et des préoccupations financières. Malgré sa présence, l’UNISS ne peut assurer un service continu : le service est joignable du lundi au vendredi de 9 h à 17 h. Une fois le patient sorti du parcours de soin hospitalier, aucun relais ne lui est proposé.
Par ailleurs, si la loi de 2005 sur le handicap prévoit que toute structure du service public se dote d’un interprète en langue des signes autant que nécessaire, et ce, à sa charge, la réalité de terrain est toute autre. Dans les faits, une fois à domicile, le patient sourd doit utiliser une partie de sa prestation de compensation du handicap pour financer une aide humaine, ici la présence d’un interprète. Cette aide sociale ne permet alors de financer que deux à trois prestations par mois ; ce qui pourrait limiter l’accès à des soins optimaux en cas d’examens et de suivis réguliers.
Et des pistes à explorer…
Pour sensibiliser le personnel soignant, l’UNISS propose 2 jours de rencontre mêlant des personnes sourdes, des témoignages de patients ainsi que la présence d’interprètes. Cette sensibilisation à la langue des signes est utile pour lever la peur du soignant face à un patient sourd. D’ailleurs, les soignants ont un véritable engouement pour la langue des signes. Cependant, il est nécessaire qu’il y ait un intérêt professionnel et un projet de service qui amènera un flux de patients sourds. Or, la dispersion de ces patients est telle que les services n’y voient pas d’intérêt. De plus, le coût d’une telle formation et l’absence du personnel dans le service en raison de la formation sont des freins à l’apprentissage.
Néanmoins, les patients sourds sont une population de plus en plus étudiée dans des centres de recherche, notamment en linguistique. Ces centres sont des lieux de réflexion qui a amené à l’apparition de traducteur. Cette innovation a une grande utilité pour l’information de la population sourde en traduisant des documents (textes, vidéos, podcasts, etc.) ; ce qui complète le maillage français. En septembre 2011, ce dernier se renforce, d’ailleurs, avec la création d’un numéro de réponse aux appels d’urgence national, pour l’instant accessible par SMS ou Fax, pour les personnes avec des difficultés à entendre ou à parler : le 114. Autre innovation qui fera son entrée dans le paysage français en octobre 2018 : les sourds auront la possibilité de bénéficier d’une heure d’appel gratuit par mois grâce à un centre relai téléphonique. Le système consiste à intégrer dans la communication un dispositif intermédiaire assurant la transcription ou la traduction, depuis la langue parlée vers la langue écrite ou la langue des signes, et vice-versa. Dans le cas de la langue des signes, l’usager signeur et l’interprète communiquent par visioconférence. Le sourd signe, l’interprète le regarde via la caméra et traduit simultanément pour la personne entendante qu’il a au bout du fil (et inversement). Les centres relais sont des services permettant aux personnes sourdes et aux personnes handicapées de la parole d’accéder en temps réel aux échanges téléphoniques avec leurs interlocuteurs.
L’accompagnement en soins palliatifs des personnes sourdes n’est certes pas optimal mais s’enrichit régulièrement d’avancées technologiques, juridiques et organisationnelles. A terme, il est à espérer que la recherche permettra une prise en charge palliative adaptée.
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Bibliothérapie créative kesako ? Est-ce que ça existe en soins palliatifs ? Pour tout savoir sur le sujet, VigiPallia est allé à la rencontre du Dr Françoise Liminana pour un échange passionnant ! |
Entrevue avec le Dr Françoise Liminana
En 2017, VigiPallia s’était intéressé à la bibliothérapie en allant à la rencontre de Katy Roy, bibliothérapeute québécoise. Pour approfondir le sujet, cette année, VigiPallia a interviewé Françoise Liminana, médecin en unité de soins palliatifs à la polyclinique Montréal à Carcassonne (11, Aude). Elle a développé un projet de bibliothérapie créative au sein de son service. Nous avions entendu parler de cette démarche au congrès de la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs) de 2017 avec son intervention « Osez la bibliothérapie créative en soins palliatifs ». Grâce à cette rencontre nous avons pu approfondir ce qu’est la bibliothérapie créative et comment elle peut s’inscrire dans le parcours d’un patient en soins palliatifs.
VigiPallia (V) : Bonjour Françoise Liminana, nous vous remercions d’avoir accepté cette entrevue. Pouvez-vous nous dire ce qu’est la bibliothérapie créative ?
Françoise (F) :
La bibliothérapie telle qu’elle est officiellement définie depuis les années soixante, consiste à utiliser le livre comme un médicament, dans l’attente d’un effet thérapeutique bénéfique. Le choix de la lecture est donc conseillé et dirigé en fonction de l’état du patient, et se fait très souvent dans un registre des « help self books » avec les limites que cela impose. Pour élargir le champ d’action de la bibliothérapie, et lui donner une dimension créative, seuls des textes littéraires seront utilisés, faisant appel à la métaphore, la fiction, et l’esthétisme. Ainsi la bibliothérapie en toute créativité permet d’être libre d’évoquer, de penser, et amène de la légèreté, du bien-être, de la vie, en faisant appel au voyage, à la poésie, aux désirs, au plaisir…
V : Comment vous êtes-vous intéressée à la bibliothérapie créative ? Avez-vous suivi une formation spécifique ?
F : Souvent interpellée comme beaucoup par cette parole récurrente de patient en soins palliatifs : « Je ne peux (même) plus lire », je me suis mise à rechercher comment soulager cette souffrance qui reflète un empêchement total, physique, psychique, existentiel, le constat d’une dégradation, et une perte d’identité.
Je me suis donc intéressée à la bibliothérapie et grâce au livre de Régine Detambel, Les livres prennent soins de nous, pour une bibliothérapie créative, j’ai découvert cette notion de créativité qui sublime vraiment la bibliothérapie. Après avoir pris contact avec l’auteure, j’ai pu suivre auprès d’elle une formation de bibliothérapeute créatif, et cela m’a donné l’occasion de lui soumettre mon projet de mise en pratique en soins palliatifs. Elle m’a donc préconisé de concevoir une méthodologie spécifique tout en me donnant quelques conseils, puisqu’il faut que vous sachiez qu’elle a une parfaite connaissance de la souffrance du corps et de l’esprit en tant que kiné de formation, bien que romancière à part entière. Mes connaissances se sont ensuite étoffées au travers d’autres ouvrages portant sur la bibliothérapie et les bienfaits de la lecture.
V : Qu’est-ce que la bibliothérapie créative peut apporter selon vous dans un contexte de fin de vie ?
F : Montesquieu disait en 1726 : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’est dissipée ». Je lui ai donc fait confiance, car avant de la pratiquer, j’ignorais les effets possibles de la bibliothérapie sur les patients en fin de vie.
Avec le recul, je vous répondrais simplement qu’elle offre, tout le bien-être qu’apporte la lecture habituellement : évasion, voyage, tranquillité, émotions, rêverie intérieure, apaisement, souvenirs, pleurs, rires… et les sensations physiques. Qui n’a pas goûté un jour au bonheur offert par la lecture d’un bon bouquin, au chaud sous la couette, un dimanche matin lors d’une grasse matinée que l’on prolonge sans fin ? En fin de vie, cette situation est fréquente mais c’est un repos au lit forcé. Ce qui n’empêche pas de réveiller la mémoire et de retrouver la douceur de ces instants en faisant la lecture aux patients. Et puis, il y a une véritable rencontre avec l’Autre en dehors de la démarche purement soignante. Ainsi je dirais que « Lire pour l’Autre est simplement un acte d’amour poétique » et que non seulement cela fait du bien aux soignés mais aussi aux soignants. Il s’agit bien là de petits moments de vie offerts et partagés.
V : Nous avions assisté à votre présentation « Osez la bibliothérapie créative en soins palliatifs ». Pouvez-vous présenter ce projet à nos lecteurs ? Comment cette idée vous est-elle venue ?
F : Face à ces patients en soins palliatifs ne pouvant plus lire, afin d’apaiser cette souffrance, j’ai eu envie d’oser la bibliothérapie créative à laquelle, comme je l’ai évoqué précédemment, je me suis donc formée. Puis j’ai conçu une méthodologie originale et adaptée pour la pratiquer dans l’USP (N.D.L.R., unité de soins palliatifs) où j’exerce, et cela en 4 étapes : la création de 3 outils (un poster pédagogique, une bibliothèque portative, une fiche de lecture à compléter), la sensibilisation et la formation de l’équipe accompagnante, le temps des lectures, et l’analyse des expériences. Cette première et grande expérimentation s’est déroulée à l’USP pendant 6 mois, grâce à une équipe formidable ; ce qui m’a permis de finaliser cette étude et de la présenter au congrès de la SFAP à Tours en 2017. Et puis, c’est une activité peu coûteuse, simple dans sa mise en place, par contre il faut y consacrer du temps.
V : Comment proposez-vous une séance de bibliothérapie à un patient ? Comment se passe la séance ? Est-ce que les proches participent aux séances ?
F : Il y a des prérequis à respecter avant de proposer une quelconque lecture à un(e) patient(e) : faire connaissance en repérant ses goûts, choisir un texte avec discernement au plus proche de lui (d’elle), choisir le moment opportun en tenant compte de son état émotionnel et physique, oser se lancer et proposer une lecture sans trop attendre, et puis surtout ne pas s’attacher à un savoir-faire mais plutôt un savoir-être : « Lire avant tout avec son cœur ! ». Tout cela est déterminant pour le bon déroulement d’une séance qui, en général, est réalisée après avoir au préalable présenté la bibliothérapie. Le choix du texte est proposé au (à la) patient(e) s’il (elle) est en capacité d’élaborer. Les proches peuvent bien sûr participer aux lectures et certains poursuivent les lectures et décrivent grâce à celles-ci des moments retrouvés de partage, de compréhension, et d’amour. La nuit, les lectures apaisent et permettent l’endormissement, et le jour certains soins douloureux sont accompagnés de lectures et ont un effet antalgique : c’est en quelque sorte : « une séance d’hypnose littéraire ! ».
V : Comment s’en sont saisis les soignants de votre service ?
F : L’équipe a été formidable et d’emblée cette activité leur a plu, guidée par cette citation de Victor Hugo : « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. ». Avant de nous lancer dans la lecture en chambre, nous avons improvisé entre nous quelques séances de lectures en groupe, ce qui a permis de prendre de l’assurance et aussi de découvrir les textes de la bibliothèque portative. A ce sujet, certains membres de l’équipe étaient réticents à l’idée de lire des textes où la mort est évoquée ou bien les plaisirs culinaires, pour les raisons que vous pouvez aisément imaginer. Eh bien, ces entraînements ont permis de surmonter ces a priori et de donner de l’assurance aux lecteurs(trices) pour le démarrage de l’activité. J’ai été impressionnée par la rapidité avec laquelle cette activité a trouvé sa place dans le service et très vite les fiches de lecture ont été complétées. La motivation de l’équipe a été crescendo en corrélation avec les bienfaits constatés sur les patients et sur elle-même. Bref, cela a amené un véritable partage émotionnel fait de rires, de larmes, d’apaisement, de plaisir.
V : Et les patients ?
F : Les patients ont bien sûr des réactions différentes, certains sont surpris, conquis d’emblée, émus, apaisés au point de s’endormir. Cela peut susciter chez eux des émotions fortes, des souvenirs, un éveil des sens, des pensées, de la détente, de l’évasion… Certains patients refusent parfois, d’autres en redemandent, ou bien commentent : « Vous alors, c’est incroyable ce que vous faites en plus du reste… ». En fait, les patients perçoivent la lecture comme un véritable soin, du fait du bien-être ressenti et en particulier lorsque la lecture est faite lors de soins pouvant être douloureux ou stressants. Ainsi leur attention étant détournée, ils peuvent s’évader et retrouver une sorte de rêverie intérieure.
V : Quels sont les patients qui semblent le plus apprécier cette démarche ?
F : Ceux qui aiment lire mais pas seulement puisqu’au final les lectures sont aussi proposées à ceux n’ayant pas exprimé le fait qu’ils ne pouvaient plus lire. En fait, la lecture est un langage universel comme la musique, et permet d’être en ouverture sur la vie, c’est pour cela que cette musique des mots peut être appréciée par tout patient qui se sent encore bien vivant. Sinon, c’est à nous de nous remettre en question, peut-être sur la mauvaise observance des prérequis, ou bien sur notre authenticité. Et puis, il n’y a pas un patient type qui apprécie la démarche sachant que l’âge, le sexe, le niveau culturel ne sont pas toujours déterminants. Ce qui est important c’est de donner, ou bien de redonner le goût. Dans notre USP, on ne plaisante pas, c’est lecture obligatoire pour tout le monde. C’est une plaisanterie bien sûr qui me donne l’occasion d’évoquer les patients qui adorent les textes humoristiques et en redemandent encore et encore. « J’adore rire avec vous » me disait une patiente de 90 ans, « c’est communicatif ». Parfois certains patients refusent jugeant la pratique farfelue, puis se laissent ou pas embarquer par la suite.
V : Comment avez-vous construit votre bibliothèque portative ? Comment l’enrichissez-vous ?
F : Tout d’abord mon parti pris a été simplement de choisir en toute créativité des textes littéraires courts, racontant une petite histoire, tout en étant au plus proche des patients amoindris. Pour cela, les écrits les plus adaptés sont les poèmes, fables, contes, chansons, extraits de roman, sketchs, recettes… J’ai ensuite construit une bibliothèque portative en créant cinq rayons Voyage/Imagination/Nature - Humour - Eveil des sens – Plaisirs Culinaires - Emotions/Pensées, que j’ai achalandé avec des textes comme décrits précédemment, piochés dans mes réserves personnelles ou bien glanés de-ci de-là sur le Net. Cette étape de construction de la bibliothèque portative est essentielle pour s’approprier l’activité de bibliothérapie. Avec l’équipe, nous avons ensuite testé ce qui plaisait aussi bien aux patients, qu’aux lecteurs. Bien sûr j’ai invité mon équipe à proposer des textes et nous avons une lectrice bénévole dans l’unité qui intervient depuis 9 ans et qui veille à ce que cette bibliothèque portative ne s’empoussière pas.
V : Comment a évolué le projet depuis l’an dernier ? Quelles suites pensez-vous lui donner ?
F : Le projet a bien pris mais il faut le relancer de temps à autre, et nous collaborons parfois avec le musicothérapeute et bientôt avec la socio-esthéticienne. Je crois beaucoup à la richesse du croisement des disciplines. Sinon après le congrès de la SFAP 2017, j’ai été contactée par plusieurs équipes pour les aider à monter leur projet et j’ai formé concomitamment l’équipe de l’USP de Castres avec celle d’un Ehpad (N.D.L.R., établissement d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes) proche où il y a des LISP (N.D.L.R., lit identifié de soins palliatifs). Puis les deux structures ont ensuite lancé leur activité de bibliothérapie et les retours sont très satisfaisants. La bibliothérapie trouve bien sa place dans les Ehpad, en amenant une tout autre forme de lecture que celle pratiquée habituellement. Sinon, suite à une communication au congrès international francophone des soins palliatifs à Genève en octobre 2017, j’ai été sollicitée pour former à l’HEESG (Haute école des études de Santé de Genève), en Octobre 2018, un groupe d’étudiants en master de soins infirmiers, suivi d’une conférence grand public. Puis je donnerai, le 31 Janvier 2019, une conférence dans le cadre du DU (diplôme universitaire) Accompagnement et Soins Palliatifs à l’université de Cergy - Pontoise.
Dans le futur je me réjouis à l’idée, de transmettre le plus possible, et de me lancer dans l’écriture d’un manuel du bon usage de la bibliothérapie créative, dans le prendre soin des patients dans l’incapacité de lire, tout en poursuivant le tissage de mes deux passions : la lecture et l’écriture.
V: Merci infiniment pour cet échange. Bonne route pour la suite !
Les livres prennent soin de nous pour une bibliothérapie créative / Régine DETAMBEL, Actes Sud Littérature, Hors collection, mars 2015, 176 pages
Eloge de la lecture : la construction de soi / Michèle PETIT, Belin, coll. Alpha, 2016, 198 pages
Bibliothérapie Lire, c’est guérir /Marc-Alain OUAKNIN , Editions du Seuil , 1994
Pourquoi lire ? / Charles DANTZIG, Grasset et Fasquelle, 2010
Site Web
Association française de bibliothérapie http://af.bibliotherapie.free.fr/
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Quand une personne a fait don de son corps à la science, quand est-il après le décès et comment sont accompagnés les proches dans leur deuil ? D. Taleb, cadre supérieur de santé et coordinateur du plateau technique de l’Ecole de Chirurgie, nous en dit plus sur ce qui a été mis en place par l’Ecole et la Ville de Paris. |
L’Ecole de Chirurgie de l’AP-HP et le crématorium du Père Lachaise ont mis en place un dispositif d’accompagnement pour les familles dont le proche a fait don de son corps à la science. Les initiateurs de ce dispositif sont Djamel Taleb, cadre supérieur de santé et coordinateur du plateau technique de l’Ecole de Chirurgie et Jean-Paul Rocle, qui était chargé de mission cérémonies et ritualités aux Services Funéraires de la Ville de Paris.
Nous sommes allés à la rencontre de D. Taleb qui revient ici sur ce projet d’un accompagnement du deuil bien spécifique, celui des familles de donateurs.
VigiPallia (V) : bonjour monsieur Taleb, nous vous remercions pour cet entretien. Comment est née cette collaboration et ce projet d’accompagnement de familles de donateurs ?
Djamel Taleb (DT) : C’est un travail dans la durée de coopération entre l’Ecole de Chirurgie et le crématorium du Père Lachaise, qui vise à assurer principalement la traçabilité des corps donnés, d’un bout à l’autre d’une organisation humaine avant tout.
V : Comment sont prises en compte les volontés du donateur et comment cela passe-t-il après le don du corps ?
DT : L'Ecole de Chirurgie suit les indications écrites stipulées par le donateur sur la carte.
Si le donateur a souhaité que son corps soit crématisé anonymement, ses cendres seront dispersées dans la division 102 du cimetière parisien de Thiais.
Si le donateur a souhaité que les cendres soient restituées à ses proches, ceux-ci nous communiquent les coordonnées qui nous serviront ultérieurement. La famille doit prendre alors en charge les frais de l'urne définitive et d'une éventuelle cérémonie.
Si le donateur n'a pas exprimé de choix sur sa carte, sur le devenir de ses cendres, la demande de restitution des cendres peut être formulée par les ayants droits au moment du décès de son proche, par lettre manuscrite, datée et signée, adressée à l'Ecole de Chirurgie
V : Qu’en est-il pour les familles ? Y-a-t-il un lieu de recueillement pour elles ?
DT : Une stèle en mémoire des donateurs a été élevée pour permettre aux proches de s'y recueillir. Elle se situe dans la division 102 du cimetière parisien de Thiais. A leur initiative les familles peuvent déposer une petite plaque sous réserve que ne figure pas de nom patronymique car c’est un carré anonyme.
V : Quels sont les demandes et les besoins des familles ?
DT : Les proches ont besoin qu’on les écoute avant tout. Il faut leur donner des explications sur ce qui va se passer : organisation du transfert du corps au moment du décès, durée du séjour du corps, crémation et destination finale des cendres.
Les proches ont besoin également d’explications succinctes sur les projets d’enseignement ou de recherche. Il est important de leur expliquer l’utilité du geste de don de corps. C’est nécessaire de leur expliquer que ce corps est le meilleur simulateur qui existe pour former les jeunes chirurgiens car ceux-ci ne peuvent pas se former sur les patients pour les gestes techniques chirurgicaux.
Il faut informer les proches que ce geste de don du corps est important, un geste de générosité, un geste de solidarité et un geste de haute signification humaine, car ils ont parfois un sentiment de doute quant à l’utilité du geste de la personne décédée.
C’est important d’évoquer avec eux les cérémonies collectives laïques qui sont organisées au crématorium du Père-Lachaise, car cela permet de montrer qu’ils ne sont pas les seuls à surmonter un deuil sans le corps.
Brochure Votre proche a fait don de son corps
V : Comment sont accompagnées les familles ?
DT : A l’Ecole de Chirurgie de l’AP-HP, un premier entretien téléphonique est réalisé au moment du décès. Son objectif est de déterminer les modalités d’organisation du transfert du corps du donateur vers notre centre, au vu des différentes obligations réglementaires. Il faut vérifier la preuve du don et réunir d’autres documents (certificat de décès, certificat de non contagion…). Cet entretien permet de prendre la mesure de l’état d’esprit de notre interlocuteur et de repérer éventuellement un deuil difficile.
Des informations générales sur la durée du séjour du corps, la crémation et la destination finales des cendres lui sont communiquées. Il est possible de l’informer par écrit une fois que les cendres reposent au cimetière afin que les proches puissent s’y rendre et se recueillir.
V : En quoi ce deuil est-il particulier ?
DT : Ce deuil est particulier parce que c’est un deuil sans corps. La famille se voit privée d’obsèques classiques. La réglementation en vigueur prévoit que les opérations de transport sont achevées dans les 48 heures qui suivent le décès. Cela laisse peu de temps aux proches qui sont géographiquement éloignés, de venir saluer la personne décédée.
C’est une des raisons qui nous a amené à mettre en place, en 2001, une procédure de restitution de cendres à la famille, afin d’aider les personnes qui ont un deuil difficile à traverser.
V : Existe-t-il un accompagnement similaire en région parisienne et dans d’autres villes en France ?
DT : A ma connaissance, le service de don du corps de la faculté de médecine de Lille procède également à la restitution de cendres, mais je n’en suis pas certain. Sur les 26 centres qui fonctionnent en France, seule l’Ecole de Chirurgie de l’AP-HP a mis en place, en étroite collaboration avec le crématorium du Père Lachaise, sous certaines conditions, cette possibilité de récupérer une urne pour les proches du donateur de corps décédé.
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Avec la nouvelle année viennent les vœux de bonne santé et de bonheur. Mais lorsque la maladie est avancée, est-il encore possible de formuler de tels vœux ? Les patients peuvent-ils être heureux en dépit de l’une des plus grandes difficultés de la vie, à savoir, la mort ? Voyons ce qu’en dit la littérature internationale… |
Qu’est-ce qu’on entend par « être heureux » ?
Il s’agit d’un état de conscience pleinement satisfait généralement calme et durable et non pas l’émotion intense et fugace, plus commune du contentement ou de la joie que de la félicité. Dans la littérature scientifique internationale, cet état de conscience se rapproche de la notion de psychologie positive de « well-being ». Plusieurs composantes forment cet état :
Bien sûr, être heureux ne signifie pas que tous ces facteurs soient cochés à la manière d’une checklist. Cela signifie qu’une personne heureuse tend à présenter au moins une attitude, une activité volontaire et une circonstance positives quelle qu’elle soit.
Etre heureux en soins palliatifs, c’est possible !
En soins palliatifs, c’est à travers le concept de qualité de vie qu’est étudié le bien-être et donc la capacité d’un patient à être heureux. Malgré l’abondance de littérature, beaucoup d’études se focalisent sur les aspects physiologiques négatifs (symptômes mal gérés ou déficits fonctionnels). Ceci est probablement dû au biais de négativité qui veut que l’on fasse plus attention aux expériences négatives plutôt qu’aux expériences positives.
Malgré tout, quelques recherches qualitatives ont mis en évidence que les patients ont tendance à être plutôt heureux malgré les circonstances. D’ailleurs, le fait de se sentir heureux et le fait de ne pas être soulagé sur tous les plans de la souffrance (physique, morale ou spirituelle) ne semblent pas incompatibles : les patients ne sont pas obligés d’attendre d’être soulagé pour s’autoriser à être heureux. En effet, ces recherches montrent que les patients acceptent la souffrance, la maladie et même la mort sans blâmer personne ni remettre en cause leur foi pour les uns et leurs valeurs pour les autres. Les patients heureux considèrent la mort comme inévitable, c’est un processus naturel. La maladie leur a appris ce qui comptait vraiment dans la vie. Ils ont tendance à relativiser leur condition : d’autres patients ont moins de chance qu’eux. Ces patients se sentent heureux de voir leur famille, de partager leurs événements de vie (mariage, naissance, repas de famille).
La maladie et l’approche de la mort leur offrent une certaine légèreté : ils peuvent vivre le moment présent sans s’embarrasser du futur et apprennent de l’adversité. Ce pragmatisme leur permet d’être reconnaissants envers les autres, non seulement envers leur famille qui les entourent mais aussi envers le personnel soignant qui les accompagne.
Pourquoi cette image négative ?
C’est la perception des non malades qui, a priori, cloisonne les malades en fin de vie à un état psychologique négatif. En effet, Goranson et al. (2017) ont comparé les billets de blog déposés sur des blogs tenus par des personnes en fin de vie atteintes de cancer et de sclérose latérale amyotrophique (SLA) à ceux tenus par des personnes non malades à qui les chercheurs avaient demandé d’écrire en imaginant être atteints d’un cancer en phase terminale. L’étude a montré que les personnes en fin de vie se montraient plus positives que les personnes non malades tant dans leur vocabulaire que dans le ton général du blog. De quoi faire réfléchir avec un peu plus d’optimisme lorsqu’il s’agit de penser à notre propre fin de vie, non ?
Références :
Ando M., Morita T., Okamoto T., Ninosaka Y. One-week short-term life review interview can improve spiritual well-being of terminally ill cancer patients. Psycho-Oncology 2008, vol. 17, n°9, p. 885-890.
Beng T.S., Chin L.E., Guan N.C., Ann Y.H., Wu C., Kuan W.S., Jane L.E., Khee S.S., Meng C.B.C. The experiences of well-being of palliative care patients in Malaysia: a thematic analysis. American Journal of Hospice and Palliative Medicine 2015, vol. 32, n°5, p.490-503.
Goranson A., Ritter R.S., Waytz A., Norton M.I., Gray K. Dying is unexpectedly positive. Psychological Science 2017, vol. 28, n°7, p. 988-999.
Horowitz S. Effect of positive emotions on health: hope and humor. Alternative and Complementary Therapies 2009, vol. 15, n°4, p. 196-202.
Koffman J. Morgan M., Edmonds P., Speck P., Siegert R., Higginson I.J. Meanings of happiness among two ethnic groups living with advanced cancer in south London: a qualitative study. Psycho-Oncology 2013, vol. 22, n°5, p. 1096-1103.
Marmet T. Le Bonheur en unité de soins palliatifs. Empan 2012, vol. 2012/2, n°86, p. 110-115.
Ngamaba K.H., Panagioti M., Armitage C.J. How strongly related are health status and subjective well-being? Systematic review and meta-analysis. The European Journal of Public Helath 2017, vol. 27, n°5, p. 879-885.
Steel P., Taras V., Uggerslev K., Bosco F. The Happy Culture: a theoretical, meta-analytic, and empirical review of the relationship between culture and wealth and subjective well-being. Personality and Social Psychology Review 2018, vol. 22, n°2, p. 128-169.
Julie C. Fortier, artiste plasticienne, est née en 1973 à Sherbrooke (Québec, Canada) et vit à Rennes depuis 2001. Diplômée en 2015 de l’école de parfumerie Le Cinquième Sens à Paris, elle est aussi titulaire d’une maîtrise de l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Depuis 2013, elle mène une recherche expérimentale avec les odeurs et les arômes. Dans ce cadre, elle a produit une œuvre d’art olfactive « Oracle » lors de sa résidence avec l’Equipe Mobile de Soins Palliatifs (EMSP) du CHU de Rennes. Allons à sa découverte….
VigiPallia : Bonjour Julie C. Fortier, nous vous remercions pour cet entretien. Artiste plasticienne, qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur les odeurs et les arômes ?
Julie C. Fortier : J’en suis venue à travailler avec les odeurs après avoir eu des enfants. La maternité m’a amené à m’interroger sur la transmission et la mémoire. Des activités périphériques à mon travail, c’est-à-dire la cuisine et le jardinage ont commencé à prendre de plus en plus de place et de sens. Je les ai donc intégrées graduellement dans ma pratique artistique pour finalement me concentrer très rapidement sur les odeurs qui sont idéales pour poursuivre plus en avant mon travail sur la construction des images en relation avec un souvenir et sa mise en récit. J’ai rapidement suivi une formation de parfumeur sur trois ans pour faire moi-même mes compositions dans un laboratoire que j’ai mis en place dans mon atelier.
V. : Comment avez-vous rencontré l’EMSP du CHU de Rennes ? Et comment est né ce projet ?
J.F. : J’ai rencontré l’équipe mobile de soins palliatifs par l’intermédiaire de l’association Pôle art.santé qui a pour objectif d’intégrer la création artistique dans la vie quotidienne des hôpitaux. C’est dans le cadre d’un festival d’art contemporain dans les établissements de santé que j’ai effectué cette résidence avec l’équipe mobile de soins palliatifs.
V. : Présentez-nous Oracle, l’œuvre qui a été produite lors de votre résidence au sein de l’EMSP du CHU de Rennes ?
J.F. : Oracle se décline sous deux formes. La première, qui a été confiée à l’équipe mobile de soins palliatifs pour engager de nouveaux dialogues avec les patients, est un boîtier en bois comportant 5 parfums aux couleurs différentes : rouge, marron, bleu, violet et vert. Ils sont contenus dans des flacons de verre soufflé aux formes différentes. Derrière ces flacons, des touches de papier invite l’usager à piocher l’une d’entre elles et à la tremper dans l’un des cinq parfums. La couleur de ce dernier viendra révéler le texte imprimé en réserve sur la touche, comme un oracle révélé. La rencontre entre la couleur, l’odeur et le texte devient le support d’une réflexion et ouvre sur une discussion, un échange dont les perspectives sont autres que médicales.
La seconde forme est une édition qui se présente comme une enveloppe de papier. Son acquéreur est invité à la déplier pour y trouver une ampoule remplie de parfum. Il a la possibilité de casser l’ampoule et de répandre le parfum coloré à l’intérieur de l’enveloppe pour révéler le message sybillin imprimé en réserve au centre de ce dernier. L’acquéreur a aussi la possibilité de ne pas casser l’ampoule pour conserver l’édition intacte, mais par ce fait, il se prive de l’expérience réelle de l’oeuvre. La révélation se fait au prix d’une perte, le parfum va nécessairement s’évaporer au fil du temps, mais va subsister la trace visuelle de cette expérience et le souvenir de l’odeur. Cette question de la perte est au cœur de mon travail. Il tente en quelque sorte de réintroduire la question de l’usure et de l’usage dans l’art contemporain qui tend à pétrifier et à conserver les choses.
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V. : Comment avez-vous travaillé avec l’équipe soignante ? Avez-vous rencontré les patients ?
J.F. : Pour réaliser cette œuvre, j’ai fait des entretiens avec l’équipe médicale, j’ai recueilli des récits, qui étaient à la fois bouleversants et très intellectuels, vraiment très stimulants. Très vite en discutant avec le Dr Vincent Morel, nous avons conclu qu’il n’était pas judicieux que je rencontre les patients. Je ne suis pas formée pour ce genre d’intervention et les soins palliatifs sont extrêmement délicats. Je ne voulais surtout pas commettre d’impairs ni être dans une situation de voyeurisme. C’est pour cela que j’ai rapidement proposer de rencontrer et de discuter avec chacun des membres de l’équipe, de la secrétaire à la documentaliste, aux infirmières, psychologues et médecins.
De ces rencontres, j’ai extrait des phrases, des mots qui me paraissaient importants et je les ai imprimés en réserve sur des touches à parfum. En parallèle, j’ai créé cinq parfums qui fonctionnent comme des souvenirs ou des anecdotes par rapport aux différents récits recueillis.
V. : Comment ce nom a-t-il été choisi ?
J.F. : Le nom est apparu très rapidement, et me paraissait particulièrement signifiant pour des patients qui ont eu un diagnostic où la maladie ne peut plus être enrayée, éradiquée. Pour avoir accompagné une personne très proche en fin de vie, j’ai vu le cheminement intellectuel et spirituel qui s’opère dès lors que ce diagnostic tombe. Une métamorphe s’opère de l’intérieur, des aspects insoupçonnés de la personnalité se révèlent.
V. : Qu’apporte « Oracle » aux soignants et aux patients ?
J.F. : Pour le moment je ne le sais pas encore, je n’ai pas encore eu le temps de revoir l’équipe soignante pour discuter avec eux de leurs expériences avec Oracle et leur patient.
V. : Expliquez-nous comment le parfum peut être réminiscence ou un rappel de notre mémoire ?
J.F. : Le sens olfactif est directement lié à notre système limbique. C’est un sens inconscient, notre cerveau nous avertit s’il y a un danger sinon l’odeur passe. On a l’impression qu’il n’y a pas d’impact mais bien au contraire, elles aident à fixer le souvenir des expériences. La mémoire olfactive est indélébile. Les mots peinent à venir quand nous sentons une odeur seule sans son référent. Des couleurs, des sensations, des souvenirs précis peuvent revenir de très loin et après viennent les mots pour les nommer. Plus on nomme les sensations, plus les souvenirs reviennent avec précision et détails. C’est cette relation difficile aux mots qui m’intéresse dans le parfum. Comment la sensation appelle les mots et comment les mots cisèlent avec acuité les sensations.
V. : Envisagez-vous d’autres expériences « olfactives » dans le secteur de la santé ?
J.F. : Pour le moment non, Oracle a été le fruit d’une belle rencontre avec toute l’équipe.
Ça a été une expérience très prenante et bouleversante. Elle a ouvert aussi de nouveaux champs d’investigations sur les effets psychologiques et comportementaux des odeurs sur le cerveau. C’est un nouveau champ que je commence à étudier et c’est absolument passionnant !
Devenu une vraie star sur les réseaux sociaux (environ 40 000 abonnés sur Facebook et 43 800 abonnés sur Instagram) et dans le monde réel (invité d’honneur su Salon du Cheval de Paris 2018), Peyo a attiré notre attention. VigiPallia a donc mené son enquête pour en savoir plus sur ce cheval qui apporte du bien être à des personnes hospitalisées aussi bien en pédiatrie, gériatrie, maladie d’Alzheimer, psychiatrie ou en soins palliatifs.
Peyo de l’Epée dit « Peyo » ou « Docteur Peyo », cheval âgé de 16 ans, va maintenant depuis 5 ans dans 5 établissements de soins - Dijon, Le Havre, Nice, Antibes, Calais - à la rencontre des personnes en fin de vie avec son binôme humain Hassen Bouchakour, et en particulier dans l’unité de soins palliatifs du Centre hospitalier de Calais.
Assez vite, Hassen Bouchakour avait remarqué que son cheval allait spontanément vers les personnes malades et se mettait en interaction avec elles lors des spectacles qu’il donnait. Car, en effet, Peyo et Hassen sont au départ issus du monde du spectacle. La perte d’une personne proche va être le déclencheur pour Hassen du projet d’amener Peyo au plus près des personnes souffrantes. L’aventure commence alors avec 3 ans de préparation physique et mentale. Il faut habituer Peyo à marcher sur différents types de sol, prendre l’ascenseur, faire ses besoins sur commande… tout le nécessaire pour qu’il puisse entrer sans danger à l’hôpital. Par ailleurs, Peyo a un suivi vétérinaire pour contrôler son état de santé.
A l’hôpital ou en EHPAD, c’est Peyo qui décide dans quelle chambre il veut entrer, Hassen ne lui impose rien. Quand le cheval veut aller dans une chambre précise, il s’arrête devant. Le cheval va instinctivement vers certaines personnes, repère les membres malades et se met souvent à les lécher. Pour les patients rencontrés, la visite de Peyo apporte du bien-être, une sérénité retrouvée, peut réveiller des choses enfouies… il permet parfois de diminuer les médicaments anti douleur et les anxiolytiques. Toutefois attention ! Comme le dit Hassen Bouchakour « Peyo n’est pas Lourdes, il ne guérit pas ».
Dans l’unité de soins palliatifs du Centre hospitalier de Calais, Peyo a accompagné, entre autres, Raymond, un monsieur âgé, et François, beaucoup plus jeune. Dès la première visite de Peyo un lien s’est à chaque fois établi, une connexion entre le cheval et l’homme. L’équipe soignante et Hassen sont d’ailleurs sortis de la chambre pour ne pas troubler l’intimité créée. Peyo s’est même rendu aux obsèques de Raymond. Ces accompagnements ont donné l’idée à Hassen Bouchakour de créer un centre pour les personnes en fin de vie à Calais. Ce dernier accueillera les malades et leurs familles. Ce lieu serait bien évidemment ouvert aux animaux. Le projet, mené en synergie avec le Centre hospitalier de Calais, est d’offrir un endroit agréable pour les derniers moments de personnes en fin de vie.
VigiPallia va continuer à suivre ce duo incroyable, et leur projet de construction d’un lieu pour les personnes mourantes.
Pour en savoir plus :
https://www.facebook.com/lessabotsducoeur/
https://www.instagram.com/docteur_peyo/
Reportage d’Equideo en 2 parties : « Peyo, cheval de cœur »
Partie 1 Reportage dans l’EHPAD-USLD Les Vergers de la Chartreuse à Dijon
Partie 2 Reportage à l’unité de soins palliatifs Séléné du centre hospitalier de Calais
Reportage Raymond et Peyo à l’unité de soins palliatifs du centre hospitalier de Calais https://www.youtube.com/watch?v=DiSbcsjInyA
Dans cette interview, le Docteur Bertrand Sardin explique comment la peinture et le dessin peuvent être un support pédagogique pour parler de la fin de vie aux étudiants. |
Le Docteur Bertrand Sardin travaille dans le Service d’accompagnement et soins palliatifs au centre hospitalier universitaire de Limoges. Il revient dans cette interview sur un enseignement dispensé aux étudiants sur le thème de la fin de vie, en ayant comme support la peinture et le dessin.
VigiPallia : Bonjour Docteur, nous vous remercions pour cet entretien. Comment est née l’idée de proposer aux étudiants un support pictural pour parler aux étudiants de la fin de vie?
B. S. : L’idée vient à la fois des expériences de médiation culturelle « art et bible » faites par mon épouse, historienne de l’art et d’une réflexion d’un grand critique d’art E. Gombrish qui affirmait que « non seulement la peinture raconte une histoire mais elle permet de la penser ». La peinture permet donc de raconter des évènements qui sont arrivés mais tout aussi légitimement des évènements qui pourraient arriver.
J’avais déjà utilisé à deux reprises la peinture comme médium. Dans le premier cas, je comparais l’évolution de la médecine à différentes techniques ou mouvements picturaux (1). Dans l’autre cas, je me suis servi de l’anamorphose et des éléments symboliques du tableau des Ambassadeurs comme support pour décrypter la demande d’euthanasie en France (2). Au cours des recherches pour ces deux articles, j’ai découvert la série de Valentine Godé Darel. Le projet d’en faire un support pédagogique a été immédiat mais il a fallu presque 2 ans avant de trouver la façon de l’utiliser. L’histoire de Valentine, comme un cas clinique, sert de fil rouge aux réflexions découlant du « long et lent mourir » et du travail mené avec Martine Gabolde et le groupe « Agonie » sur les signes cliniques annonciateurs du décès.
Parler de la mort, des instants mais aussi des temps qui la précèdent n’est pas chose facile entre froideur clinique et distanciation théorique d’une part, émotion du réel et irruption de l’imaginaire d’autre part. Tout indique qu’il y a un besoin pédagogique sur ce sujet. Depuis, j’utilise chaque fois ce support pour parler de la fin de vie avec les étudiants qui font un stage dans le service qu’ils soient soignants, IDE ou futurs médecins. Je l’utilise aussi lors de soirées de formation dans les EHPAD.
V. : Pourquoi avoir choisi les peintures, encres et dessins que Ferdinand Hodler a faits de Valentine Godé-Darel ? Qui est-elle ?
B. S. : J’aurais pu, pour illustrer le sujet de la fin de vie, utiliser les œuvres d’autres auteurs. Deidre Scherer est une artiste contemporaine dont les « end of life exhibits » méritent d’être regardés. Il y a les dessins d’Augustine Pautre par Eugeen Van Mieghem mais la série n’est pas accessible sur internet. Signalons aussi « the last 11 days » de Sue Coe. Toutes ces œuvres racontent une histoire, mais l’ensemble des tableaux et dessins de Valentine Godé Darel est un support exceptionnel en termes de narration et de cohérence.
Tout au long de sa maladie, Ferdinand Hodler dessine et peint Valentine. L’histoire que raconte cet ensemble évolue au cours du temps, sans grand hiatus. On retrouve toutes les étapes que suivent les patients que nous prenons en charge : l’entrée dans la maladie, la rechute, l’aggravation, le début de la fin et la période de l’agonie. D’autre part, Ferdinand Hodler est un peintre connu. Il existe donc suffisamment de documents pour confirmer la chronologie des tableaux et de la maladie.
Valentine est une belle jeune femme. Française, divorcée, elle était actrice. A Genève elle est peintre sur porcelaine. Elle est décrite comme belle et fantasque, fière et jalouse. Elle devient à la fois le modèle et la maîtresse de ce peintre reconnu et fasciné par la mort et les femmes. Ferdinand est orphelin à 14 ans et a vu littéralement mourir sa mère. Sa vie amoureuse est agitée et les femmes se succèdent. Mais Valentine reste à part bien que leur relation soit parfois orageuse. A 44 ans, Valentine ne va pas bien. On l’envoie dans un sanatorium pensant à la tuberculose. Elle se découvre enceinte et donne naissance à sa fille Pauline. Quelque mois plus tard on diagnostique un cancer (probablement des ovaires) et elle est opérée. Et c’est par le portrait réalisé à ce moment que commence notre histoire.
V. : Quels sont les grands thèmes abordés pendant le cours ?
B. S. : Vous l’avez compris, il ne s’agit pas d’un cours au sens magistral mais plutôt d’un dialogue au fil de l’histoire racontée. Néanmoins cette chronologie même permet d’aborder un certain nombre de notions :
1) repérer la cassure dans la trajectoire de vie d’un patient grâce à six marqueurs identifiés : la perte de mobilité et d’autonomie, l’augmentation des périodes de sommeil et d’inactivité totale, l’apparition d’une dysphagie voire d’une aphagie, apparition de troubles cognitifs, le désintérêt vis-à-vis de son environnement et de son entourage, l’apparition de symptômes réfractaires notamment douleurs, dyspnée, anxiété et confusion.
2) connaître et utiliser les outils pour identifier cette bascule (PPS. ESAS. Pallia10)
3) démythifier comment on meurt en soins palliatifs, cet endroit que certains aimeraient décrire comme des chambres obscures où vibrent de vieux râles : les décès inattendus, le caractère exceptionnel des agonies bruyantes, et le lent mourir, paisible comme une bougie qui s’éteint.
4) différencier les symptômes de la fin de vie qui sont à traiter des signes annonciateurs du décès qui sont à expliquer.
5) comprendre les enjeux de la phase ultime en termes de thérapeutique, d’accompagnement où la relation singulière médecin-malade devient plurielle. Faire comprendre que la sédation n’est ni un but ni une obligation, mais un moyen thérapeutique quand les autres prises en charge sont en échec (souffrances réfractaires).
V. : Qu’apporte le support pictural aux étudiants ?
B. S. : La fin de vie ne peut pas être traitée comme une simple abstraction, d’un point de vue théorique. L’ enseignement clinique au lit du malade n’est pas de mise et ne serait pas éthique. Le support pictural apporte une tessiture à l’histoire, permet de souligner des postures, de décrire des attitudes. Il est surtout l’occasion de donner la parole à la salle. A chaque nouvelle diapositive, je commence par poser la question « Et là, que voyez vous ? ». La première diapositive est très intéressante. La plupart des assistants répondent « un regard inquiet ». Peut-être parce que le titre de l’exposé est la mort de Valentine Godé Darel et se fait dans le cadre des soins palliatifs. Souvent la discussion part sur le risque de plaquer nos émotions et nos a priori sur une situation donnée.
V. : Comment les étudiants reçoivent-ils cet enseignement ?
B. S. : Les retours sont favorables. Personne ne s’est plaint de la crudité ou de la violence des images ou du sujet. Et ensuite lors du stage, les étudiants peuvent observer, chez les patients en toute fin de vie, les attitudes et les signes cliniques abordés lors de l’exposé.
V. : D’autres universités proposent-elles un cours avec ce type de support ?
B. S. : A ma connaissance, non, mais j’ai appris récemment que JALMAV s’en servait lors de la formation de leurs bénévoles. Un certain nombre de confrères m’ont demandé le diaporama mais je n’ai pas de retour sur l’utilisation qu’ils en font.
V. : Envisagez-vous d’autres peintures, d’autres supports pour varier les plaisirs ?
B. S. : Un de mes fils, lorsqu’il était en prépa, m’a parlé de la tyrannie du powerpoint et de l’absence d’intérêt si les diapositives n’étaient qu’un karaoké de l’intervenant ou un simple rappel du plan. J’essaye donc d’illustrer mes propos par l’image ou un texte de référence, suivant en cela l’adage de Napoléon Bonaparte : un bon croquis vaut mieux qu’un long discours.
Pour le reste, je suis assez éclectique sur mes choix. Finalement, les supports avec lesquels je travaille sont le fruit de découvertes fortuites sur la toile, au fil d’expositions ou de promenades. Les téléphones modernes permettent de capturer l’émotion brute de l’instant et de la retrouver plus tard. L’image ou le texte peuvent être aussi bien les éléments déclenchant une réflexion que l’illustration de celle-ci.
Quelques exemples :
J’utilise des références littéraires dans « citations et réflexions sur les soins palliatifs » (3). Le 1er aphorisme d’Hippocrate permet de dérouler une réflexion sur le temps en soins palliatifs illustrée par la statue du « petit dieu du temps qui passe » du manoir d’Erygnac et sur la notion d’écologie palliative (4).
J’ai utilisé les sculptures de J.M. Petit pour illustrer une communication sur les soins palliatifs en EHPAD et USLD (congrès SFAP 2016). J’ai aussi rythmé un exposé sur les alternatives au midazolam avec des caricatures d’un collègue pour en faire le premier « speed dating » de l’histoire de la pharmacologie car il fallait résumer un travail de 50 pages de pharmacologie en 15 minutes d’exposé (congrès SFAP 2017).
Je travaille actuellement sur la faim en fin de vie et j’envisage d’utiliser notamment des tableaux des orientalistes notamment Guillaumet et la Famine en Algérie (qui a été exposé à Limoges et à Bordeaux lors de sa campagne de restauration) mais aussi la célèbre photo de l’ « ours polaire mourant de faim » et la polémique qui en a suivi. Il me reste à obtenir les utilisations d’usage non commercial à titre gracieux, ce qui n’est pas toujours possible et pose alors problème.
Bibliographie
1) B. Sardin, A. Lemaire, G. Terrier, F. Guirimand, et D. Grouille. « Appliquer la culture palliative au champ des maladies chroniques : le concept de médecine exhaustive ». Éthique & Santé, 2014 ; 11 : 138‑51.
2) B. Sardin, D. Grouille, G. Térier, « Die Holbein Code » le tableau des Ambassadeurs comme clef de décryptage de la demande d’euthanasie en France, Médecine Palliative, 2014 ; 13 : 249-259.
3- B. Sardin, Citations et réflexions sur les soins palliatifs Médecine Palliative, déc. 2015 ; 14(6) :355‑9.
4- B. Sardin, Premier aphorisme d’Hippocrate et soins palliatifs. Médecine Palliative [Internet]. 1 juill 2019 [cité 11 juill 2019]; Disponible sur: http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1636652219300625