Introduction: La population soignée pour une hémopathie maligne bénéficie moins souvent et plus tardivement de soins palliatifs spécialisés bien qu’ils soient aussi symptomatiques que les patients atteints de cancers solides. S’il existe des recommandations claires sur le bénéfice des soins palliatifs pour ces patients, la démarche à adopter est peu abordée.
Méthode: Dans un centre universitaire français, et à la suite de l’arrivée d’un médecin ayant bénéficié d’une double formation en hématologie et en soins palliatifs, une initiative de consultation spécialisée en soins palliatifs dans le service d’hématologie a permis d’augmenter l’accès aux soins palliatifs pour les patients atteints d’hémopathie maligne.
Résultats: La population bénéficiant de cette consultation avait une grande variabilité dans ses caractéristiques et sa survie mais était quasiment toujours symptomatique. Elle a pu être orientée en grande partie vers une équipe de soins palliatifs pluridisciplinaire, hospitalière ou ambulatoire. Cette offre a entraîné une double augmentation du nombre de passages de l’équipe mobile de soins palliatifs dans les services d’hématologie et du nombre de patients atteints d’hémopathie maligne hospitalisés en soins palliatifs.
Discussion: Cette initiative locale montre qu’il est possible et indiqué, pour un patient atteint d’hémopathie maligne, de bénéficier de soins palliatifs spécialisés, même précocement dans sa prise en charge. C’est à présent une volonté politique et institutionnelle qui doit établir, dans le partage des ressources de santé, les priorités de soins, notamment en fin de vie.
La Loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 a institué un droit d'accès à la sédation profonde et continue jusqu'au décès (SPCJD) sous certaines conditions. En France, peu de données existent pour évaluer comment ce droit très récent s'installe sur le terrain. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), dont les missions sont notamment la collecte de données sur les conditions de la fin de vie en France et le suivi des politiques publiques sur le sujet a mené une première enquête quantitative nationale rétrospective début 2018. Son objectif principal était d'apprécier combien de SPCJD avaient été demandées et/ou proposées globalement en France en 2017, soit la première année pleine d'exercice possible de la loi, ses décrets d'application ayant été promulgués en août 2016. Cette première enquête avait également pour objectif d'accompagner cette nouvelle disposition législative pour mieux la faire connaître sur le terrain. C'est pourquoi il avait été choisi de la mener le plus largement possible, auprès à la fois des hôpitaux, des HAD, des EHPAD et des médecins généralistes, ce qui a pu être fait grâce au soutien de l'Ordre des médecins.
Cette première enquête n'avait pas permis d'obtenir de données quantitatives fiables. Le taux de réponse avait été trop faible, les structures interrogées ayant du mal à se mobiliser. Elles avaient invoqué des biais de mémoire et des difficultés d'identification des sédations profondes et continue jusqu'au décès au sein des pratiques sédatives de fin de vie en général, particulièrement à l'hôpital. Pour autant, elle avait été très instructive au plan qualitatif, montrant par exemple que cette pratique dépasse largement le champ des soins palliatifs. Elle avait aussi mis en lumière le fait que le terme de « sédation profonde et continue jusqu'au décès » renvoie à des pratiques différentes d'une spécialité médicale à une autre, comme c'est le cas dans d'autres pays et qu'il convient si l'on veut se faire une idée plus précise de ce qui se passe réellement sur le terrain de se mettre d'accord au préalable sur ce que recouvrent les données que l'on recueille. Cette première édition a conduit le CNSPFV à modifier sa méthode en 2019. Nous avons choisi de nous concentrer sur un plus petit échantillon de structures, de cibler une période de recueil plus courte pour éviter les biais de mémoire (1 semaine donnée), de recourir à des enquêteurs locaux, travaillant au sein des sites de l'enquête et surtout de travailler en amont avec eux pour élaborer ensemble une grille de caractérisation commune des SPCJD que nous souhaitions identifier au sein des pratiques sédatives de fin de vie. Cette enquête s'est focalisée sur quelques établissements hospitaliers, lieux de décès le plus fréquent en France. En effet selon les données de l'INSEE de 2017, les décès surviennent à l'hôpital dans 54% des cas, à domicile dans 24%, en EHPAD dans 13% des cas, sur la voie et lieu public dans
1% des cas et autre pour 8% des cas.
[Début de l'article]
Background: French legislation about sedation in palliative medicine evolved in 2016 with the introduction of a right to deep and continuous sedation, maintained until death. The objective was to describe midazolam sedation at the COL (Centre Oscar Lambret [Oscar Lambret Center], French regional center for cancer control), in order to establish a current overview before the final legislative changes.
Methods: Descriptive, retrospective and single-center study, concerning major patients in palliative care hospitalized from 01/01/2014 to 12/31/2015, who had been sedated by midazolam. The proven sedations (explicitly named) and the probable sedations were distinguished.
Results: A total of 54 sedations were identified (48 proven, 6 probable). Refractory symptoms accounted for 48.1% of indications, complications with immediate risk of death 46.3%, existential suffering 5.6%. Titration was performed in 44.4% of cases. Sedation was continuous until death for 98.1% of the cases. Probable sedation had a higher failure rate than proven sedation. Significant differences existed for the palliative care unit compared to other units regarding information to the patient, their consent, anticipation, mention by correspondence and carrying out titrations. When patients had already been treated with midazolam, the induction doses, initial maintenance doses, and doses at the time of death were significantly higher. For those receiving opioids, the maintenance dose at the time of death was higher. No comparison found a difference in overall survival.
Conclusions: After a sufficient follow-up has enabled teams to familiarize with this new legislation, reflection on sedation should be conducted to adapt to final recommendations.
BACKGROUND: Integrated palliative care is correlated with earlier end-of-life discussion and improved quality of life. Patients with haematological malignancies are far less likely to receive care from specialist palliative or hospice services compared to other cancers.
AIM: The main goal of this study was to determine hematologists' barriers to end-of-life discussions when potentially fatal hematological malignancies recur.
DESIGN: Qualitative grounded theory study using individual interviews.
SETTING/PARTICIPANTS: Hematologists (n = 10) from four hematology units were asked about their relationships with their patients and their attitudes toward prognosis and end-of-life discussions at the time of recurrence.
RESULTS: As long as there are potential treatments, hematologists fear that end-of-life discussions may undermine their relationship and the patient's trust. Because of their own representations, hematologists have great difficulty opening up to their patients' end-of-life wishes. When prognosis is uncertain, negative outcome, that is, death, is not fully anticipated. Persistent hope silences the threat of death.
CONCLUSION: This study reveals some of the barriers clinicians face in initiating early discussion about palliative care or patients' end-of-life care plan. These difficulties may explain why early palliative care is little integrated into the hematology care model.
Objectif: Avoir eu une discussion précoce sur les souhaits du malade en fin de vie est associé à une amélioration de la prise en charge palliative des patients atteints de cancer. Pourtant, les professionnels de santé investissent très peu les directives anticipées. L’objectif principal de l’étude était de comprendre ce qui facilite ou limite une discussion autour de la fin de vie lors de la rechute d’une hémopathie maligne agressive, d’après les oncohématologues. L’objectif secondaire était d’en explorer les conséquences sur l’ouverture aux soins palliatifs en hématologie. Méthodologie: Cet article présente les résultats de dix entretiens semi-directifs individuels d’hématologues cliniciens francophones. L’analyse du verbatim a été effectuée selon une méthode de catégorisation par thématiques, issue de la théorie ancrée.
Résultats: Lors de la rechute, la possibilité d’une discussion autour de la fin de vie était limitée par la crainte de la perte de l’alliance thérapeutique. Les hématologues avaient du mal à s’ouvrir à la subjectivité du patient et à se positionner vis-à-vis de son cheminement dans un contexte thérapeutique. L’anticipation d’un pronostic péjoratif n’était pas exploitée en situation d’incertitude. Une communication centrée sur l’espoir était préférée à l’approche de la question de la mort, perçue comme une menace.
Conclusion: La prise en compte de la subjectivité des cliniciens et la complexité de la mise en place de discussions autour de la fin de vie nécessitent de reconsidérer la place et le rôle des directives anticipées, des récits de vie et de l’importance du tiers dans l’articulation précoce entre soins palliatifs et hématologie.
Introduction : La mise en place d'un séminaire d'éthique clinique intitulé "hématologie et soins palliatifs" a invité autour de la table acteurs de sciences humaines et sociales et cliniciens à réfléchir à l'articulation entre hématologie et soins palliatifs.
Méthodologie : Seize participants issus des sciences humaines et sociales et de la médecine palliative et hématologique se sont rencontrés durant 18 mois dans une démarche d'éthique clinique, autour de cas cliniques vécus et considérés comme complexes d'un point de vue clinique et éthique.
Résultats : La réflexion initiale issue de problématiques de soignants se basait sur des questions organisationnelles entre médecine palliative et hématologie. Elle s'est déplacée au cours du séminaire, invitant à un questionnement d'ordre identitaire sur deux types de médecine, dites curative ou palliative. L'attention à la subjectivité des cliniciens et l'apport des sciences humaines et sociales dans la réflexion ont proposé un nouveau paradigme de soin, basé sur l'attention au mouvement de vie du sujet malade.
Discussion : La méthodologie de l'éthique clinique a permis une action engagée des chercheurs en sciences humaines et sociales dans l'accompagnement de la réflexion des acteurs de terrain et, par là, dans l'élaboration de pistes de transformation des pratiques professionnelles en santé.