La prise en charge administrative et matérielle des foetus et des mort-nés tout au long de l'époque moderne se caractérise par la prédominance d'une définition religieuse des frontières de la vie, prédominance qui produit une invisibilisation complète des foetus et mort-nés, puisque ces derniers n'accèdent pas à la naissance sociale et spirituelle que constitue le baptême.
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La catégorie des mort-nés a suscité au cours du XIXe siècle en France de multiples réflexions et productions législatives et réglementaires. Alors que les modalités de déclaration et d'enregistrement des mort-nés ont été fixées par la loi de juillet 1806 sur les "enfants présentés sans vie", le devenir administratif et matériel des foetus continue de poser problème tout au long du siècle. La municipalité parisienne se saisit de cette question dès les années 1840 en améliorant la constatation du décès des foetus et mort-nés, avant d'élaborer en 1868-1869 une réglementation imposant la déclaration de tout produit embryonnaire de 6 semaines de gestation à 4 mois révolus. Cette préoccupation municipale s'inscrit dans une sensibilité croissante du parcours des corps et dans une volonté de rationaliser le devenir matériel des foetus pour éviter que les Parisiens ne s'en débarrassent d'une façon incompatible avec la dignité "humaine" de ces corps. Cette évolution réglementaire aboutit en 1882 à la mise en place d'un système de ramassage gratuit des corps de foetus à domicile, pris en charge par les Pompes funèbres de Paris et articulé à la procédure de déclaration mise en place en 1868.
Riche des acquis de l'archéologie, de l'histoire, de la démographie et de la sociologie, cet ouvrage sur la mort périnatale traite de la gestion des corps, des modes d'enregistrement et du vécu familial pris dans son acception large, trois dimensions au poids crucial pour le destin des foetus et mort-nés.