Il était une fois l’histoire d’un bonheur familial, celui de Joachim et de ses parents. Jusqu’à l’apparition de trois ombres, aussi inquiétantes qu’insaisissables. Très vite, la famille doit se rendre à l’évidence : ces trois ombres sont là pour l’enfant. Pour protéger son fils, le père l'emmènera jusqu'au bout du monde dans une course effrénée. Mais peut-on vraiment fuir devant la mort ?
Il était une fois un couple uni, leur fils Joachim, leur chien. Il était une fois l’histoire de ce bonheur familial plein et entier, et la douceur de vivre ensemble dans une nature riante.
Et puis un jour trois ombres. Trois ombres qui apparaissent sur la colline, présences inquiétantes que le père balaye d’abord d’un revers de main. Mais Joachim l’a pressenti et très vite toute la famille doit se rendre à l’évidence : ces ombres ne s’en iront pas. Elles sont là pour Joachim.
Ces trois ombres, que sont-elles ?
Une figure des Trois Parques qui filent, tissent et coupent le destin des Hommes ?
Une réminiscence des trois âmes damnées qui se tiennent à l’entrée des Enfers de Dante, désignant l’inscription « Vous qui entrez, abandonnez toute espérance » ?
Car c’est bien d’espérance qu’il s’agit dans ce récit : l’espoir d’en réchapper, le refus de laisser la mort l’emporter sans combattre. La mort est venue pour Joachim, Lise sa mère l’a compris, elle a accepté l’inacceptable, elle est prête. Mais ce n’est pas le cas du père qui refuse de se soumettre à ce terrible destin. Il décide de partir, emmenant son enfant avec lui dans une fuite effrénée, traversant terres et mers pour échapper à leurs infatigables poursuivants.
Père et fils vivront ainsi leur dernière aventure commune, une aventure haute en couleur mais symbolisant le long cheminement de la colère et du déni initial vers l’acceptation de la mort, et le deuil d’un enfant.
C’est la mort d’un enfant d’un couple d’amis proches et le besoin de se confronter à ce drame, à la peur et la perte, qui ont poussés l’auteur à aborder cette thématique douloureuse.
Pour ce roman graphique, Cyril Pedrosa a délaissé le travail de la couleur qu’on lui connaît dans les superbes planches de son chef d’œuvre Portugal. Ici, tout l’album est en noir et blanc – peut-être pour rappeler que la vie n’est pas toujours rose. Le trait est charbonneux, parfois rageur pour signifier la colère, et le combat coute que coute pour la vie, pour encore un peu de vie ensemble. Le dessin tout en courbes suggère aussi bien une ambiance fiévreuse et torturée (la maladie, la fuite éperdue du père et de son fils) que la douceur et l’harmonie perdues puis retrouvées (les moments de vie aussi banals que bouleversants partagés par la famille).
On ressort de ce voyage éprouvé, mais le regard tourné vers l’avant : au bout du chemin, c’est toujours le printemps qui renaît, la vie qui triomphe. Trois phrases clôturent le voyage, comme une réponse aux trois ombres qui l’avaient déclenché :
« Trois phrases qui me tiennent lieu de refuge… Lorsque je vacille un peu.
‘Dans ce paysage de printemps, il n’y a ni meilleur ni pire.
Les branches des fleurs poussent naturellement.
Certaines sont longues, certaines sont courtes.’ »
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Un beau roman dans la veine Young adult qui aborde avec sobriété les thèmes du deuil, du deuil blanc, des relations familiales, de l’amitié et de la reconstruction. N’hésitez pas à vous plonger dans l’histoire d’Hazel et de Luca ! |
Hazel quitte Londres à 17 ans pour aller vivre en Australie avec son père qu’elle n’a jamais vu. C’est compliqué pour elle de se faire à sa nouvelle vie, à son nouveau pays, à sa nouvelle maison, à créer une relation avec son père. Elle écrit régulièrement des lettres, qu’elle termine par « Je ne t’oublie pas », à sa mère, souffrant de la maladie d'Alzheimer.
Un jour, sur la plage, elle rencontre un garçon de son âge, Red, avec qui elle se lie d’amitié. Elle fait rapidement connaissance de son frère jumeau, Luca, avec qui la relation de prime abord est tendue, tant il est renfermé. Elle se lie aussi avec Maddie et Hunter, deux autres lycéens.
Petit à petit elle va se rapprocher de Luca, et aider ce dernier à reprendre la course à pieds qu’il avait totalement arrêté suite à la mort de son meilleur ami sur la piste. C’est suite à cette perte tragique que Luca s’était replié sur lui-même, que son père s’était détourné de lui déçu qu’il stoppe la course. Luca laisse Hazel se rapprocher de lui car il pense que sa mère est morte. Ils vont se soutenir l’un l’autre et s’autoriser à avancer et de reprendre pied dans la vie. Quand Luca découvre la vérité au sujet de mère d’Hazel, leur amitié résistera-t-elle ?
Un roman magnifique sur le thème de la perte d’un être cher, sur le vécu du deuil à l’adolescence ainsi que sur le deuil blanc, ce deuil d’une personne vivante mais dont la personnalité a été gommée par la maladie, thème peu traité en littérature de jeunesse. L’histoire fait ressortir tous les impacts du deuil sur l’ensemble d’une famille, montre que ce ne sont pas forcément les membres les plus proches qui peuvent apporter l’aide et le soutien adéquat. Il s’agit que chacun trouve son rythme pour avancer et faire face aux épreuves de vie. La lecture de ce livre apporte de l’optimisme sur des thèmes graves avec une histoire prenante et agréable à lire.
Lien vers le site de l’éditeur http://www.hugoetcie.fr/livres/ne-moublie-pas/
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Ce mois-ci, un coup de cœur un peu éloigné de nos thématiques, qui met à l'honneur les aidants, ces personnes sans qui l'accompagnement des patients, surtout à domicile, n'est pas possible. |
Chamboultout, c'est l'histoire de Béatrice qui célèbre avec les siens la sortie de son livre, dans lequel elle raconte l’accident de son mari qui a bouleversé leur vie. Frédéric a perdu la vue et ne peut s’empêcher de dire tout ce qu’il pense : c’est devenu un homme imprévisible et sans filtre bien que toujours aussi drôle et séduisant. Mais ce livre, véritable hymne à la vie, va déclencher un joyeux pugilat car même si Béatrice a changé les noms, chacun de ses proches cherche à retrouver son personnage. Le groupe d’amis et la famille tanguent… mais certaines tempêtes sont salutaires.
Coup de cœur pour ce film plein d'amour (et d'humour) magnifiquement porté par Alexandra Lamy. L'accident, le handicap chamboule la vie de tout le monde : femme, enfants, amis... Le film effleure les bouleversements évidents : la gestion des papiers administratifs, les fugues, les disputes familiales. Il aborde aussi des aspects de la vie auxquels on pense moins : les confidences embarrassantes entre amis qui ressortent sans filtre, la vie sexuelle du couple impacté par le handicap...
Le film nous montre comment le soutien de la famille et des amis est essentiel pour que la personne handicapée vive une vie épanouie. Il rend compte du quotidien du proche aidant. Avoir une vie qui inclut le handicap sans qu'il prenne toute la place, sans s'oublier est un défi quotidien que le film souligne avec douceur. Chamboultout est un bel hommage au statut d'aidant trop souvent méconnu. On rit beaucoup, les personnages sont tous attachants et les paysages de toute beauté. Bref, de quoi passer un bon moment seul, en famille ou entre amis !
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The First Tree est un magnifique jeu vidéo sur le deuil. Certes courte, l'expérience de ce jeu d’exploration n'en est pas moins marquante et plaira à tous les amateurs du genre. VigiPallia a eu l’occasion de s’entretenir avec David Whele, le concepteur du jeu. Interview. |
Dans The First Tree, le joueur incarne une renarde à la recherche de ses petits. Dans le même temps de jeu, le joueur suit Joseph, un jeune homme qui tente de renouer avec son père en Alaska. Au cours de cette quête initiatique, le joueur réveille les souvenirs enfouis dans l’inconscient de Joseph par le biais de ses actions avec la renarde. Joseph se rend alors compte que son rêve dans lequel il suit notre renarde n’est pas anodin et que le parallèle entre les deux histoires lui permettra de mieux comprendre ses relations difficiles avec sa famille.
A travers The First Tree, le joueur découvrira une histoire touchante dans laquelle la mort et l’acceptation de la perte d’autrui a une place prédominante. Le jeu est en anglais mais sous-titré en français. L’émotion est palpable, sans surenchère. Il est rare de voir un jeu dont le thème principal est la mort et le deuil. Pour en apprendre plus sur The First Tree, nous nous sommes entretenus avec le concepteur du jeu vidéo, David Whele.
David Whele, merci pour cette interview.
VigiPallia : A quel jeu vidéo devez-vous votre premier souvenir de joueur ?
David Whele : Comme la plupart des gens, mon premier souvenir a été de jouer au premier Super Mario Bros sur la Nintendo (NES). Je crois que j’avais 5 ans quand j’ai commencé à jouer à des jeux vidéo.
V. : Lorsque vous étiez petit, étiez-vous un grand joueur ?
D.W. : Pour un enfant de 5 ans, j'aime bien penser que j'étais génial. Ma mère avait acheté la Nintendo et nous jouions à tour de rôle à Mario. J'ai vite été si bon qu'elle était forcée de me regarder jouer pendant une heure avant que mon personnage ne meure. Ensuite, elle perdait rapidement et c’était de nouveau mon tour. Finalement, j'ai découvert à quel point les jeux coopératifs pouvaient être amusants, ainsi mes petits frères et moi pouvions jouer ensemble, ce qui, à ce jour, est mon expérience de jeu la plus enrichissante. Nous ne vivons plus côte à côte, mais nous continuons à être en ligne et à jouer à des jeux coopératifs comme Risk of Rain 2 ou Apex Legends.
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V. : Quel est votre jeu préféré ?
D. W. : Le jeu qui a eu le plus grand impact sur ma vie est probablement le jeu Dark Forces II: Jedi Knight de Lucasarts. J'ai toujours aimé Star Wars, alors vivre mon aventure Star Wars était un rêve devenu réalité. Même si c'était génial, ce n'est que lorsqu'un ami m'a montré un éditeur de niveaux, où vous pouvez créer vos propres environnements et placer des objets et des ennemis où vous le souhaitez… je dirais que ce logiciel d'édition de niveaux a changé ma vie. J'ai continué à créer des stations spatiales, des camps hantés et des villes à part entière. Je les partageais en ligne avec des gens que j'aimais. Ma passion pour la création de mes propres expériences numériques Star Wars a mené à ma carrière. Après beaucoup de travail, j'ai pu collaborer avec Lucasfilm sur l'expérience de réalité virtuelle Star wars: Secrets of the Empire.
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V. : Quel jeu aimeriez-vous faire découvrir au monde entier ?
D. W. : Quand les gens pensent aux jeux vidéo, ils pensent généralement aux gros blockbusters violents, qui sont très amusants et populaires pour cette raison. Mais il existe également de beaux jeux basés sur des histoires qui racontent des histoires poignantes grâce à la magie de l'interactivité. J'encourage le monde à jouer au jeu d'exploration à la première personne, What Remains of Edith Finch. Il raconte l’histoire d’une jeune fille qui se confronte à une malédiction familiale. Elle explore la maison abandonnée de son enfance et découvre l'histoire de sa famille et comment elle est vraiment une Finch. Je ne pense pas que beaucoup de gens se rendent compte que de tels jeux existent.
V. : Quel jeu attendez-vous avec le plus d’impatience ?
D. W. : Le jeu d'exploration Sable (sortie prévue en 2020) a l’air magnifique. Vous explorez un désert onirique et découvrez une civilisation perdue. Il a un beau style de ligne que je n'ai jamais vu auparavant et j'adore explorer des environnements intéressants.
V. Quel a été l’élément déclencheur pour créer The First Tree ?
D. W. : Quand j'étais au milieu de mon cursus universitaire, ma mère m'a appelé en panique et m'a annoncé que mon père avait eu une crise cardiaque en conduisant. Il a pu se rendre à l'hôpital, mais il était trop tard et il est décédé peu de temps après. Quelques années plus tard, je me suis mariée et nous avons construit notre propre famille. J'ai mis tous les sentiments liés à la perte de mon père et au fait de devenir père moi-même dans The First Tree, l'histoire d'un renard qui affronte la mort sur le premier arbre qui ait jamais poussé sur Terre. J'ai choisi un renard car c'est le nom de famille du côté de ma femme et je pensais que c'était approprié puisque mon jeu se concentre sur une chose importante: la famille.
V. : Avez-vous eu du mal à faire accepter le projet, étant donné le thème principal ?
D. W. : La meilleure partie de mon travail d'artiste indépendant est que je n'avais personne pour répondre à ou soumettre mon projet ! Plusieurs grands éditeurs souhaitaient travailler avec moi, mais je ne voulais pas rendre de comptes à qui que ce soit. C'était exactement le jeu que je voulais faire, et je l'ai publié de cette façon. Ce n'est pas un jeu parfait, car je travaillais à plein temps et élevais mes enfants, ce qui est extrêmement épuisant, mais j'ai raconté une histoire très personnelle comme je le souhaitais. Je suis heureux que les gens aient trouvé un tel réconfort et une telle paix en y jouant.
V. : Qu’est-ce que cela vous apporté de concevoir The First Tree ?
D. W. : Cela m'a procuré beaucoup de paix de raconter une histoire qui semblait résonner auprès des autres. The First Tree a fait pleurer beaucoup de gens, ce qui m'a fait me sentir bien ! Je suis heureux que les gens puissent avoir ces larmes de manière cathartique et dire au revoir à leurs proches. Une bonne partie de tout çà n'aurait pas été possible sans la superbe musique et les éléments visuels externalisés par des artistes et des compositeurs en ligne. Ils ont permis à leur travail d'être licencié pour une somme modique, alors je l'ai incorporé à mon histoire.
V. : Qu’espérez-vous apporter aux joueurs à travers l’histoire de The First Tree ?
D. W. : Je voulais que des personnes qui ne se soient jamais rencontrées se sentent connectées par l'acte de deuil universel. Espérons que les personnes qui ont traversé des épreuves et perdu des êtres chers se sentiront connectées à d'autres personnes qui ont vécu la même chose. J'ai reçu des centaines de courriels de gens qui sont très reconnaissantes de cette expérience, qui leur a permis de mettre un terme à leur relation avec la perte de leur mère, de leur mari, d’un membre de leur fratrie, etc.
V. : Avez-vous un autre projet en cours et dont vous voudriez nous parler ?
D. W. : L'un des courriels les plus courants que je reçois est de savoir comment créer un jeu seul sans savoir coder. Je suis en train de créer une série de vidéos en ligne et de billets de blogs pour aider les internautes à apprendre à se lancer dans leur premier jeu indépendant. Je l'appelle Game Dev Unlocked, et cela prend tout mon temps. Mon prochain jeu sera totalement différent de The First Tree, mais comportera toujours un animal !
V. : Pouvez-vous nous donnez trois raisons de jouer à The First Tree ?
D. W. : La première raison serait que si vous cherchez à vous détendre, ce jeu est parfait pour cela puisqu'il n'y a pas d'ennemis ni de moments effrayants.
La deuxième serait si vous aimez les renards, car beaucoup de fans sont obsédés par les renards !
La troisième raison serait que si vous avez récemment souffert d’une perte dans votre vie et que vous cherchez un moyen d'exprimer ces sentiments de manière cathartique, vous trouverez beaucoup de paix en jouant à The First Tree. J'ai également trouvé beaucoup de paix en faisant ce jeu, et rien de tel que de faire quelque chose qui aide les gens du monde entier.
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Gros coup de cœur pour ce film dans lequel on suit un couple qui doit faire le deuil de leur enfant dans un contexte d’après guerre en pays ennemi. VigiPallia vous dit pourquoi ce film est magnifique. |
De James Kent avec Keira Knightley, Jason Clarke, Alexandre Skarsgard
Coeurs ennemis se passe à Hambourg en 1946. Au sortir de la guerre, Rachel rejoint son mari Lewis, officier anglais en charge de la reconstruction de la ville dévastée. En emménageant dans la nouvelle demeure, elle découvre qu’ils devront cohabiter avec les anciens propriétaires, un architecte allemand Stephan Lubert et sa fille Freda. Alors que cette promiscuité forcée avec l’ennemi révolte Rachel, la haine larvée et la méfiance laissent bientôt place chez la jeune femme à un sentiment plus troublant encore.
En dehors du triangle amoureux assez conventionnel, c’est surtout une très belle histoire de deuil. En effet, Rachel et Lewis ont perdu leur fils pendant la guerre. Rachel essaie plusieurs fois d’aborder la question avec Lewis par la tristesse, le sentiment de culpabilité, la colère ou la haine. Mais Lewis, en tant qu’officier principal reste imperturbable : il est évident que s’il s’écroule, il ne sera pas capable de se relever, ce qui est impensable vu le contexte dans lequel il évolue. Ce fossé dû au deuil va, petit à petit, se creuser et pousser Rachel dans les bras de Stephan, lui aussi en plein deuil de son épouse.
On aime les silences dans ce couple endeuillé. Les reproches sous-jacents s’expriment dans le jeu des acteurs. C’est uniquement lorsque le couple fera face au deuil de l’enfant que la reconstruction sera possible. Le décor et l’époque choisis symbolisent et illustrent le deuil de ce couple : Hambourg est détruite et pleine de détresse comme eux.
La relation de deuil dans un couple est assez fidèle à la réalité : le deuil est souvent en décalage entre l’homme et la femme, le couple ressent le besoin de s’échapper dans une autre relation (généralement, il s’agit d’amitié et non d’amour). L’absurdité de perdre un enfant oblige à trouver une explication : l’absence du père protecteur, la défaillance de la mère nourricière, la haine envers l’ennemi sont, entre autres, des prétextes pour ne pas faire face à la réalité. Cette réalité de l’absence de l’enfant : l’accepter sera, pour tous les deux, leur salut.
La mise en scène est délicate malgré la violence de l’époque, l’amour sous toutes ses formes est omniprésent tout comme la haine. Les symboles sont magnifiques : la neige et le froid renvoient à la tristesse du deuil, la destruction de la ville à l’impact du deuil, la relation qui lie ces deux ennemis aux turbulences émotionnelles qu’implique le deuil. Bref, ce film est lumineux et juste dans sa façon de traiter le deuil d’un couple. Des acteurs convaincants, un contexte peu montré (l’après guerre) et un sujet délicat et intime sont autant de bonnes raisons de voir ce film.
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Une rencontre autour des soins palliatifs organisée par la Métropole de Nantes en partenariat avec le réseau Compas plus une très belle initiative du Théâtre de l'Entr'Acte, cela donne Ars Vivendi : un faux auteur pour une vraie nouvelle. C'est surtout 75 pages d'émotion et notre coup de cœur du mois. Interview. |
Le Théâtre de l'Entr'Acte, une troupe de théâtre nantaise, développe un concept intéressant, Le Livre réel : inviter une personne à se glisser dans la peau d'un auteur (parfois expert du thème choisi, sinon une personne lambda, rarement un comédien et jamais un écrivain) le temps d'une rencontre avec un public autour d'un thème précis, qui donnera naissance, au final, à un livre. A l'issue de cette rencontre, les personnes ayant assistées à la conférence sont donc invitées à écrire un chapitre et toutes les parties de l'histoire sont collectées et lissées par un écrivain. Tout ce processus peut également donner vie à une pièce de théâtre, jouée par le Théâtre de l'Entr'Acte. De quoi faire durer le plaisir de la rencontre et donner de nouvelles lettres de noblesse aux rencontres avec le grand public avec l'écriture participative.
En 2020, c'est le thème des soins palliatifs qui a été abordé. Pour cela, la Métropole de Nantes a fait appel au réseau de soins palliatifs Compas et c'est son directeur, Rodolphe Mocquet, qui s'est prêté à l'exercice. Le Théâtre de l'Entr'Acte en a fait Romain Duvoye, le "faux auteur" d'Ars Vivendi.
La première moitié du livre est consacrée à la scénarisation de la rencontre entre Romain Duvoye, alias Rodolphe Mocquet, et le public nantais (professionnels des CLICS et des MIAI, des personnels du CCAS et quelques professionnels de l'accompagnement en fin de vie, ainsi que des personnes de la société civile). La seconde partie est une nouvelle inédite "Mon père, cet espion" qui relate, avec humour et émotion, la maladie incurable d'un père de famille, jusqu'à la fin de sa vie.
Outre l'originalité du concept, les soins palliatifs sont abordés de manière simple et décomplexée : ce n'est pas un expert qui parle mais un auteur, une personne touchée par la fin de vie. Le lecteur se rapproche inévitablement de Romain Duvoye et se nourrit naturellement de son expérience. L'approche du thème est novatrice, le livre, bien écrit, se lit facilement et apporte de nombreux éléments de compréhension des soins palliatifs. La nouvelle "Mon père, cet espion" permet d'aborder le thème de la fin de vie avec des enfants. Enfin, la pièce de théâtre sera programmée dès que les théâtres auront la permission d'ouvrir leurs portes, une belle occasion de découvrir le texte dans toute son animation. La multiplicité des lectures et des supports fait d'Ars Vivendi un véritable coup de cœur de VigiPallia.
Nous avons rencontré Anne Groisard, membre du Théâtre de l'Entr'Acte pour mieux connaître Ars Vivendi. Anne, merci pour cet entretien. D'abord quelques questions pour que les internautes vous connaissent mieux.
A quel livre devez-vous votre premier souvenir de littérature ?
Le pays où l’on arrive jamais d’André Dhôtel. Ce n’est pas forcément le premier souvenir, mais le plus magique sûrement.
Lorsque vous étiez petite, étiez-vous une grande lectrice ?
Je dévorais les livres. A partir de 13 ans, je travaillais bénévolement dans une petite bibliothèque le dimanche matin ; j’en repartais les bras chargés de BD et de romans pour la semaine.
Quel est votre auteur préféré ?
Emile Zola
Quel livre aimeriez-vous faire découvrir au monde entier ?
La beauté des jours de Claudie Gallay.
Quel livre liriez-vous en boucle à votre pire ennemi pour le torturer ?
Aucun. Ce serait vraiment méchant et en plus je me torturerais en même temps… drôle d’idée !
Quel livre pourriez-vous lire tous les jours ?
Aucun, il y a trop de livres à découvrir pour relire toujours le même.
Quel livre attendez-vous avec le plus d’impatience ?
Celui qui me fera de nouveau vibrer profondément.
Merci pour ces belles réponses, si on parlait d'Ars Vivendi... Vous offrez un extrait du livre aux internautes sur votre site.
Quelle est votre démarche pour créer un livre comme Ars Vivendi ?
Dans notre compagnie de théâtre, nous aimons montrer que la culture est accessible à tous, que nous avons tous une part créative en nous. Les performances littéraires collectives comme Récit d’impros nous permettent de montrer au public la naissance d’un livre et de le faire participer à part entière.
Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir le thème de la fin de vie au départ ?
Au départ, c’est une commande de la Métropole de Nantes qui a associé le COMPAS. Le thème ne nous était pas familier, mais l’objet de nos performances littéraires est de nous adapter à tous les sujets et d’amener le public en douceur vers un échange constructif et toujours créatif. En amont, Rodolphe Mocquet (directeur de COMPAS) nous a préparé au sujet ; ce fut une discussion très instructive sur des questions que nous ne maîtrisions pas et qui nous a amené à réfléchir avec lui aux questions fondamentales de la fin de vie.
Qui est la première personne à qui vous avez fait lire Ars Vivendi une fois la collaboration terminée ?
Rodolphe Mocquet lui-même, le faux auteur, afin de nous assurer que nous avions bien restitué la parole du public et la sienne dans la première partie du livre, puis pour connaître son ressenti sur la nouvelle en seconde partie.
Qu’est-ce que cela vous a apporté de collaborer à ce livre ?
Indéniablement, une réflexion plus profonde sur la fin de la vie et les soins palliatifs. Comme beaucoup de personnes, la mort n’est pas un sujet que l’on aborde facilement ; quant aux soins palliatifs, cela fait toujours peur… Ce fut un moment délicat pour moi car au moment de la rencontre avec Rodolphe Mocquet, mon père venait de disparaître. Il amenait des questions sur l’accompagnement en fin de vie que je venais de traverser avec ma famille et le personnel hospitalier. Je retraversais ces étapes et me disais combien il était important d’être accompagnée et de redonner la place de l’étape de la mort dans la vie.
Qu’espérez-vous apporter au public ?
Nous espérons qu’avec ce livre le public s’empare d’un sujet souvent "tabou" et accepte de parler de la fin de vie et des soins palliatifs plus aisément. Lire cet ouvrage est déjà un premier pas…
Enfin, donnez-nous trois raisons de lire Ars Vivendi ?